Le journal du professeur Blequin (135)

Dimanche 7 octobre

10h15 : Tôt couché, tard levé ! Tel est le train de vie de retraité que j’aurai mené ce week-end, sans doute miné par le stress de devoir préparer mon cours à flux tendu, dans une mini-urgence. L’air du temps n’y est cependant pas pour rien : j’en ai marre des patriotes imbéciles qui posent de faux problèmes à la mord-moi-le-drapeau, des vegans bornés avec qui toute discussion est impossible, des conservateurs hypocrites qui camouflent leur refus du changement sous un vernis d’éthique, des geeks boutonneux qui vous traitent de ringard si vous n’avez pas une conjonctivite aussi avancée que la leur, des rombières débiles qui vous traitent de monstre dès que vous ébranlez leurs certitudes poussiéreuses… Bref, les trois quarts de l’humanité me sortent par les yeux !

Lundi 8 octobre

14h30 : Je n’ai pas eu le courage de prendre des nouvelles de notre pauvre monde ; je sors quand même un bref instant pour aller à la poste de mon bled, sans doute l’une des dernières postes en France où le personnel sert encore les usagers, malgré la présence d’un automate que personne n’utilise – même pas moi car cette bécane n’avait pas fonctionné quand j’avais essayé de m’en servir. Quand vient mon tour, la postière me demande s’il y a urgence à distribuer mes deux courriers : ne sachant que répondre, je dis qu’il y en a qui est un peu plus urgent que l’autre ; elle me propose donc de débourser 26 euros pour qu’il parte via Chronopost ! Dans ma pauvre tête, je m’imaginais qu’une enveloppe ayant le format de celle que je lui tendais ne pouvait être expédiée qu’en prioritaire ou en lettre verte, mais il faut croire que non : je m’étais borné à recopier l’adresse telle qu’on me l’avait donnée et voilà que cette dame tire de cette adresse je-ne-sais-quelles-conclusions de derrière les fagots ! Je suis resté hébété un bon moment et je vous jure que je ne sais absolument pas comment j’ai fait comprendre à mon interlocutrice qu’un envoi en prioritaire et un autre en lettre verte me suffisaient… Bref, je ne sais pas si c’est parce que je suis « aspi » mais, très franchement, le « contact humain » dont les défenseurs du commerce de proximité nous rebattent les oreilles ne me manquera pas : j’ai longtemps été réticent à employer les automates dans les bureaux de poste, mais je dois reconnaître qu’une machine ne pose jamais de question stupide, elle !

Mardi 9 octobre

9h30 : Arrivé à Lesneven où je viens récupérer les dessins que j’étais venu exposer dans le cadre de l’opération « Artistes au coeur de la ville ». Je n’avais eu aucun retour depuis l’installation il y a trois mots ; sur place, j’apprends qu’il n’y a rien d’étonnant à cela : les autres artistes n’en ont pas eu plus, et la mairie pas davantage ! Un bilan décevant pour une initiative pourtant sympathique… Cela dit, quand je retrouve la vitrine qui m’avait été attribuée, je vois que certains de mes travaux, que j’avais fixés avec de la Patafix, étaient tombés. D’accord, c’est de ma faute, j’aurais dû en mettre plus : mais le fait que personne ne m’en ait averti pendant trois mois en dit long sur le cas qui a été fait de ma participation, de même, je suppose, que de celle des autres… Vive la vie d’artiste.

13h20 : J’ignorais totalement qu’il y avait eu une grève de la fonction publique ce matin ; mon escapade à Lesneven m’a fait rater la manifestation et ce n’est qu’à mon retour à Brest que j’en ai eu vent alors que tout était déjà fini. Montant dans le tram pour aller faire quelques achats de matériel, je me retrouve coincé au milieu d’un groupe de lycéens dont les professeurs étaient en grève et qui se sont donc retrouvés désœuvrés : au milieu de ces jeunes glands pas fichus de se faire la conversation sans se dire « ta gueule » à chaque coin de phrase, je me surprends à moins aimer les grèves d’enseignants… 

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