Philippe Gildas a rendu l’antenne

Pas formidable : Philippe Gildas est parti rejoindre Coluche, Bruno Carette, Gilles Verlant, Thierry Gilardi, Jean-Pierre Coffe et Alain De Greef au paradis des hérauts de « l’esprit Canal ». De quoi était-il le nom ? Quand il est apparu sur l’antenne de Canal+ au beau milieu des « flamboyantes » années 1980, il était l’anti-Sabatier absolu : petit avec de grandes oreilles, visiblement d’âge mûr et, de formation, professeur de latin-grec. C’est sans aucun doute ce profil atypique pour un animateur de télévision qui est à la source de son succès : au milieu de la troupe de rigolos qui se produisaient dans Nulle Part Ailleurs (les Nuls, les Guignols, De Caunes, Garcia, Berroyer, Moustic, etc.), il était le « garde-fou », il incarnait l’autorité paternelle, il était le garant de l’ordre au milieu d’un grand bazar. Parfois, il sévissait, notamment quand on lui salissait ses beaux costumes préparés amoureusement par son épouse…

Je ne l’ai évidemment pas connu ; mais je l’ai croisé. Il était passé à Brest il y a quatre ans pour faire la promotion du livre Nos années Nulle Part Ailleurs : je m’étais amusé à lui poser une question en imitant Ouin-Ouin, alias Pine d’huître, l’un des personnages mythiques d’Antoine de Caunes et je lui avais offert une caricature exécutée sur le vif, non sans imiter son propre guignol au passage. « C’est un fan, celui-là » a-t-il dit en me désignant à l’assistance. Il ne se trompait pas. Je lui avais aussi fait remarquer, par la même occasion, que les humoristes de la grande époque de Canal avaient été les derniers à oser utiliser des références culturelles assez pointues : un épisode d’Objectif Nul s’inspirait directement de l’Odyssée d’Homère et De Caunes citait régulièrement, déguisé en Didier L’embrouille ou en Gérard Languedepute, Corneille et Molière. Aujourd’hui, aucun animateur de télévision n’oserait évoquer de telles références, les programmateurs partant du principe que le public est nécessairement inculte ; à cette remarque de ma part, Gildas répondit : « Vous auriez fait un excellent avocat pour nous car, à cette époque, la presse télé « intello » ne parlait jamais de nous sauf pour dire que nous étions nuls ! Alors que nous étions les derniers à citer Homère et Molière ! » Ce n’est que quand la grande époque de Canal+ avait pris fin que ladite presse soi-disant intello a enfin reconnu le génie de ceux qui y avaient contribué : tant pis pour elle, Gildas, Carette, De Greef et les autres se passent fort bien de la presse pour rester dans la mémoire des téléspectateurs reconnaissants.

Un bémol, quand même : il n’y a pas si longtemps encore, j’ai appris d’un dessinateur de presse qui avait participé au Grand Forum, une émission post-NPA de Gildas, que ce dernier ne lui laissait pas les coudées franches. Contrairement à Michel Polac ou même à Michel Field, Gildas ne tolérait la présence du dessin d’actu à l’antenne qu’à condition qu’il puisse mettre son véto pour tel ou tel dessin. Voilà un aspect conformiste du personnage qui ne laisse pas d’être décevant : décidément, personne n’est parfait ! Mais n’insistons pas lourdement sur ce point, on n’est pas sur le blog de Gérard Languedepute. Et ça n’enlève rien au bon souvenir que nous aurons laissées ces années…formidables !

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