Le journal du professeur Blequin (1) : Le retour

Lundi 2 septembre

10h30 : Une fois de plus, ces grandes idiotes de vacances ont eu l’idée stupide de prendre fin. Je suis rentré de ma thébaïde sarthoise il y a quatre jours à peine : mon exil volontaire ayant porté conseil, j’ai donc décidé, comme vous le voyez, de relancer ce journal que j’avais abandonné en février dernier mais que je n’ai pas réussi, je dois bien l’avouer, à remplacer par une meilleure rubrique… Enfin bref : je jette un œil sur un journal et j’apprends la percée de l’extrême-droite aux régionales allemandes… Non mais, si même les Allemands n’ont pas retenu les leçons de l’Histoire, je comprends un peu mieux ceux qui désespèrent de l’être humain ! Ça y est, je me rappelle pourquoi j’avais besoin de repos…

12h : Je fais la queue dans une friterie ; devant moi, une jeune fille pianote sur son smartphone et répond à un contact qui lui a envoyé une photo de la choucroute qu’il va s’envoyer… Je vous défie de trouver une représentation plus pertinente de la vacuité de notre époque : on dispose d’une technologie de pointe et voilà ce qu’on fait ! Je constate que rien n’a changé depuis l’époque où Cavanna faisait parler les cons en ces termes dans Hara-Kiri : « Nous, les cons, nous n’avons pas inventé la poudre. Nous avons fait mieux : nous avons domestiqué les non-cons. Eux, ils l’ont inventée, la poudre. Et pas que la poudre ! L’homme est la plus belle conquête du con. C’est bien pourquoi nous les tolérons, les non-cons. Pour qu’ils inventent des inventions. Nous, on adapte. On fait des trucs marrants avec. Pratiques. La télévision, il ne fallait pas être con pour trouver ça. Un machin incroyable. Vous avez vu ce qu’on en a fait, nous, les cons ? » Oui, on a vu, et on voit aussi ce qu’ils ont fait d’Internet ! Ça y est, je me rappelle pourquoi j’avais fui la technologie…

Mardi 3 septembre

9h : N’ayant pas encore en tête les horaires du bureau de poste de mon quartier, où je ne réside que depuis cinq mois, je m’y rends à tout hasard : arrivé sur place, je constate qu’il ouvre tous les jours à 9 heures… Sauf le mardi, justement, où il n’ouvre qu’à 10 heures. Bon, bien sûr, ce n’est pas grave, j’habite à deux pas mais j’aimerais quand même qu’on m’explique : quelle raison valable y a-t-il pour que l’ouverture d’un bureau de poste ait lieu une heure plus tard que les autres jours le mardi ? Que celui qui a une réponse le dise ! Ce n’est pas que ça m’empêche de dormir, mais ça m’intrigue.

14h30 : Exercice inédit en ce qui me concerne : je présente aux étudiants qui n’ont pas encore choisi toutes leurs UE (unité d’enseignement) celle dans laquelle j’interviens, consacrée à la bande dessinée (what else ?). Face aux questions d’une demoiselle, je constate une nouvelle fois la pression exercée sur les gens de sa génération, auxquels on demande d’avoir un projet de vie arrêté dès leur majorité : je me laisse aller à pousser un petit coup de gueule contre cette société qui demande aux jeunes à peine sortis du cocons d’être déjà prêts à attendre tranquillement la mort ! Mon interlocutrice a dû se dire : « Voilà au moins un prof qui ne sera pas un emmerdeur ! »

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