Mercredi 30 octobre
10h20 : Bon, je sais, le film Super Mario bros, sorti en 1993 et inspiré (très librement, trop librement même) du jeu vidéo du même nom était un navet. Mas il n’empêche que j’ai été marqué par la chambre de dé-évolution qui permettait au méchant Koopa de faire revenir ses sujets récalcitrants à l’état de lézards bipèdes : la haute technologie au service de la régression intellectuelle, voilà un bon résumé de notre époque ! Par conséquent, la perspective de mon rendez-vous à la boutique Free me fait à peu près autant plaisir que si j’y allais pour être transformé en reptile sans cervelle… C’est donc passablement maussade que je me rends à Bureau Vallée pour faire tirer quelques affiches. Résultat : quand la jeune femme de l’espace reprographie me fait savoir que je dois faire le travail moi-même sur un des postes informatiques installés dans la salle, je ressens, portée au maximum, l’irritation qui m’est coutumière chaque fois que je suis forcé d’accomplir gratuitement (je dois même payer pour avoir le droit de la faire !) une tâche pour laquelle je ne suis nullement qualifié. D’ailleurs, ça ne rate pas : je ne réussis pas à régler l’engin pour avoir un tirage au format A3 et j’en arrive à oublier l’amabilité quand je le signale à la demoiselle… Je ne suis pas fier de moi : finalement, j’ai tort d’accuser la technologie de tous les maux car je n’ai pas besoin d’une chambre de dé-évolution pour me transformer en tyrannosaure !
11h15 : Je passe à la boutique Free où il s’avère qu’il suffisait d’un petit réglage pour que mon portable puisse envoyer un SMS. Sauf que ce petit réglage, je n’y aurais jamais pensé moi-même et ce n’était même pas précisé sur le mode d’emploi… En fait, c’est la technologie qui ne m’aime pas ! D’ailleurs, est-ce que ce n’est pas justement fait pour ça : exclure de la société les pièces non conformes ?
12h : En rentrant, je remarque quelques variantes de la campagne de pub d’Europe 1 : sur d’autres affiches, il y a Trump ou le crétin qui représentait la France cette année à l’Eurovision… C’est à peine moins obscène qu’une forêt en feu ! J’en arrive à me demander si Europe 1 n’a pas ouvertement demandé aux publicitaires de pourrir son image qui n’en a pourtant pas besoin…
13h : Fidèle abonné, j’ai reçu mon Fluide Glacial, ce qui m’a permis d’apprendre que le magazine Mad s’arrêtait : encore une institution de la déconnade qui s’éteint. Cela dit, je ne suis pas tellement étonné : depuis l’élection de Trump, la réalité américaine a dépassé la caricature qui peut en être faite, ce qui ne peut que laisser démunis les vieux routiers de la satire et après 67 ans de parution, force est d’admettre que la vieille revue satirique n’a plus d’armes suffisamment affutées pour brocarder l’Amérique comme elle le mérite… En fait, c’est le danger pour toute production à vocation satirique qui rencontre le succès : devenir une institution et se transformer en une sorte de tribunal révolutionnaire permanent qui distribue les bons et les mauvais points en lieu et place du poil à gratter qu’elle est censée distiller ; en clair, quand une publication satirique marche trop bien, elle risque de ne plus être fou du roi et devenir elle-même roi. Le roi Mad est mort, vivent les nouveaux fous !
18h : Vernissage de mon expo à la mairie de quartier de l’Europe. Je m’attendais à ce qu’il y ait plus de monde, et pourtant, je suis content : content que de vieux amis manifestent leur fidélité à mon endroit en honorant l’invitation que je leur ai envoyée, content de susciter l’intérêt des journalistes, des élus, des simples citoyens et des gens de bien, content d’entendre une conseillère municipale me présenter comme « le bon docteur Blequin » qui prescrit l’humour comme un remède contre l’absurdité du monde… Bref, je suis content d’être là, d’être vivant, d’être ce que je suis et d’être accepté comme tel dans une ville où ma différence n’est pas vécue comme une menace. Pourvu que ça dure !
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