Faut-il tuer les Simpson ?

A l’occasion des 35 ans de Canal+, notre ami Blequin ressort de ses cartons quelques réflexions sur les émissions qui ont fait la gloire de la chaîne à péage. Aujourd’hui : Les Simpson.

Dans la vie, vaut-il mieux êtres les Beatles ou les Rolling Stones ? Vaut-il mieux partir en pleine gloire pour laisser le public sur un bon souvenir, quitte à ce qu’il reste un peu sur sa faim, ou alors rester jusqu’au bout pour satisfaire les fidèles, quitte à tirer sur la corde ? C’est la question que se pose (ou devrait se poser) tout artiste chanceux qui connaît un succès important.

Les Simpson ont dépassé dernièrement les trente saisons, battant tous les records de longévité pour une série télévisée ; il est vrai que l’avantage d’une série animée est que les personnages peuvent rajeunir. Mais on ne peut pas en dire autant des auteurs, hélas ! J’ai longtemps été fan de la série ; je ne le suis plus. Mon cas n’est pas isolé : entre ceux qui ne la regardent désormais que par automatisme et ceux qui ont définitivement lâché l’affaire, chacun a ses raisons pour s’être lassé des déboires de la famille d’Américains moyens calamiteux créée par Matt Groening. Pour ma part, le cynisme de la série, qui finissait par virer au nihilisme, a fini par me paraître étouffant ; et surtout, j’ai réalisé que la plupart des personnages de cette famille m’horripilaient. Je n’ai jamais tellement aimé Lisa, pas plus que je n’aimais Riri, Fifi et Loulou dans les BD mettant en scène les canards de Disney : voir des gamins qui se permettaient de faire la leçon aux adultes a toujours été dur à vivre pour l’enfant que j’étais, qui avais le sentiment de ne pas avoir droit à la parole. Je détestais carrément Marge qui, avec son affreuse voix éraillée et son manque absolu de fantaisie, me rappelait ma mère dans ses pires moments. Quant à Bart, je le haïssais : il ressemblait trop aux petits branleurs qui ont pourri ma vie d’écolier puis de collégien. Au final, il n’y a guère que pour Homer que j’ai toujours gardé de la sympathie : paresseux et actif, stupide et malin, il est bourré de contradictions et commet des erreurs qu’il s’empresse de rattraper après. Comme nous tous, en somme !

Au-delà de ces considérations très subjectives (j’en conviens), un constat s’impose : l’époque où Les Simpson était un show subversif est derrière nous. Mais la responsabilité en incombe-t-elle aux seuls auteurs de la série ? En soi, accuser une certaine baisse de forme est normal et malheureusement inévitable au bout de trente ans ; mais surtout, rappelez-vous : après l’élection de Donald Trump, on n’a pas manqué de souligner que les Simpson avaient prédit cette catastrophe. Au-delà de la simple coïncidence, cela indique que la société américaine a fini par ressembler à la caricature que l’on peut en faire : les Américains d’aujourd’hui ressemblent à leur reflet dans le miroir tendu par Matt Groening dont la série a été rattrapée en stupidité par la réalité. Est-ce à dire qu’il n’est plus possible de faire la satire de l’Amérique ? Non : cela signifie simplement que les Simpson n’y suffisent plus et qu’il faudra renouveler la satire sociale pour lui préserver son efficacité ; en Amérique comme ailleurs. Que les producteurs des Simpson, si ça leur chante, continuent à faire du fric avec leur série tant qu’ils peuvent et que les autres créateurs affutent leurs plumes pour que la satire sociale ne reste pas un désert.

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