Police partout… Sécurité où ça ?

Il fut un temps pas si lointain où j’avais l’air sérieux et propre sur moi : j’avais les cheveux courts, la barbe taillée, je portais des chemises en lin et des pantalons de technocrate. Et puis, encouragé par mes amis et mes parents, j’ai laissé pousser mes cheveux, je ne me plus rasé, j’ai adopté la marinière et le Perfecto (pas en vrai cuir, que les « vegan » se rassurent) et le blue-jean. N’en déplaise aux fashionistas, ce changement de look n’a pas changé grand’ chose à ma vie… Sauf une chose : les policiers, qui n’avaient jusqu’alors qu’indifférence pour ma petite personne, se sont mis du jour au lendemain à me regarder de travers. J’exagère à peine : l’année dernière, alors que je venais à peine d’adopter ce nouveau style capillaro-vestimentaire, je passais en coup de vent à la bibliothèque universitaire de lettres et sciences humaines de Brest, où j’ai mes habitudes, pour y rendre un livre. Il se trouve que ce jour-là, un amphithéâtre occupé par des étudiants grévistes venait d’être évacué et que deux policiers restaient encore sur place : à la sortie, l’un de ces deux braves agents m’ont interpelé, ce qui ne m’était JAMAIS arrivé avant ! Fort heureusement, son collègue s’est rappelé que je n’étais pas dans l’amphi au moment de l’évacuation (je n’avais même jamais pris part à l’occupation du lieu et je n’étais déjà plus étudiant depuis longtemps) : sans cette réminiscence opportune, il est à peu près certain que j’aurais dû faire prendre l’air à ma carte d’identité, et comme elle était alors munie d’une photo où j’avais encore les cheveux courts, les discussion auraient probablement été compliquées… De toute façon, ça n’aurait rien changé au fait que j’étais bel et bien victime d’un délit de faciès : j’avais eu la malheur d’adopter un look qui me faisait ressembler aux étudiants auxquels je pouvais donner cours, et ça me valait d’être traité subitement en suspect par une police qui ne s’était jamais méfiée de moi…

Pourquoi je vous parle de tout ça ? Parce que les forces de l’ordre ont déboulé avant-hier dans cette bibliothèque universitaire, que j’ai l’habitude de fréquenter, pour une opérations musclée ; d’après leur version, ils pourchassaient des types qui allaient brûler des poubelles et qui avaient tenté de se réfugier dans la BU ; bien entendu, aucun témoin ne valide cette version, ce qui n’est pas fait pour m’étonner : elle émane quand même de sources qui nous ont déjà affirmé qu’il n’y avait pas de guerre en Algérie et que le nuage de Tchernobyl s’était arrêté à la frontière… Mais qu’importe, le fait est là : la police a pénétré dans une enceinte universitaire et y a fait usage de la force. J’aurais pu être là au moment des faits : une maladresse étant toujours possible, j’aurais pu prendre un coup de matraque mal ajusté voire une balle perdue ! Surtout avec mon look qui me vaut désormais d’être présumé suspect…. Quantité de personnes que je connais et apprécie, étudiants, enseignants-chercheurs ou simples bibliophiles, fréquentent eux aussi avec assiduité ce lieu dédié à la culture et à la recherche et auraient pu aussi prendre un mauvais coup s’ils avaient été au mauvais endroit au mauvais moment ; même sans imaginer le pire, ils auraient pu avoir la peur de leur vie : ce fut le cas des personnels qui se sont dit choqués. Pour ne rien arranger, quand j’ai vent d’événements de cette espèce, je me demande comment je vais pouvoir continuer à expliquer aux gens qu’il faut voter contre l’extrême-droite quand un gouvernement qui s’affirme républicain applique des méthodes dignes de la France de Vichy !

Vous me connaissez : on ne peut pas me soupçonner de sympathie spontanée pour les chefs, quelle que soit leur fonction ou la chapelle à laquelle ils appartiennent. Mais pour toutes les raisons que je viens d’invoquer, je ne peux que soutenir sans réserve le président de l’Université de Bretagne Occidentale, monsieur Matthieu Gallou, qui a exprimé son indignation et a demandé des explications à la sous-préfecture. Oui à l’ordre, mais pas celui-là !

Matthieu Gallou vu par votre serviteur.

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