« Tiens, même, v’là qu’on se dit qu’on s’aime mais c’est que de la crème, de la pommade rose pour cacher les choses, du petit plaisir pour pas tout seul dormir. Tu vois pas qu’on s’aime pas ? » (Alain Souchon)Qu’est-ce que c’est con, la Saint-Valentin ! C’est toute l’année qu’il faut s’aimer, pas seulement un jour par an ! Celui qui a inventé cette fête n’a rien compris : en décidant de consacrer une journée par an à l’amour, il a donné implicitement aux gens l’autorisation de se haïr le reste du temps. Le résultat, on le voit : 364 jours par an, des guerres déchirent le monde, les voisins se font la gueule et les commentaires haineux fleurissent sur le web, faisant mentir ceux qui, dans les années 1990, annonçaient l’avènement du « village mondial »…
En fait, l’individu qui a décidé que le 14 février serait la fête de l’amour aurait dû prendre pour modèles des festivités telles que le carnaval ou le jour des fous : le principe de telles fêtes, je vous le rappelle, est de donner à chacun, pendant vingt-quatre heures, la licence de laisser libre cours à sa fantaisie pour mieux se contrôler le reste de l’année. Ou alors, s’il a suivi ce modèle, il a pris le problème à l’envers : il a probablement jugé que l’amour était une tendance naturelle de l’être humain à laquelle il ne fallait dédier qu’une journée par an et qu’il fallait étouffer en temps normal. Alors que c’est exactement le contraire !
Tiens, une vache d’idée : pourquoi ne pas supprimer la fête de l’amour et la remplacer par la fête de la haine ? Pendant vingt-quatre heures, tout ce que ce monde pourri peut compter d’individus haineux auraient le droit de laisser s’épanouir à leur guise leur détestation de leurs semblables : une journée par an où ils pourraient vider leur bile d’un seul coup, après quoi ils laisseraient les gens tranquilles pendant 364 jours. Les gratteurs de lingots s’y retrouveraient : les fleuristes se feraient armuriers, les parfumeurs vendraient des gaz lacrymogènes et les marchands d’articles porno n’auraient même pas à se reconvertir, il leur suffira de mettre en avant leur matériel sado-maso.
Mais surtout, imaginez : pendant vingt-quatre heures, les haineux de toute espèce feraient à peu près tout ce qu’ils voudraient, ils diraient à leurs proches tout le mal qu’ils pensent d’eux, ils publieraient sur Internet tous les messages haineux qui leur traversent l’esprit, ils iraient tabasser les gens dont la tête ne leur revient pas… On mettrait quand même quelques policiers dans les rues pour éviter les débordements : d’ailleurs, ils auraient eux aussi droit de se laisser aller à la haine et commettraient même autant de bavures qu’ils voudraient sur les haineux qui pousseraient le bouchon trop loin, nous débarrassant du même coup de nos plus gros abrutis.
Une fois Minuit sonnée, stop : ils se seront assez défoulés comme ça pour l’année, finie la haine jusqu’à l’an prochain, on remet l’arsenal sous clé Et les non-haineux auraient 364 devant eux pour s’aimer librement et vivre paisiblement, sans avoir à craindre de se faire insulter, menacer ou castagner par un imbécile haineux ! Vous m’avez compris : pour que ce soit la fête des amoureux toute l’année, organisons une fête des haineux par an ! Quel jour l’organiserait-on ? Disons n’importe quand sauf le jour de mon anniversaire ! Zut, je crois que je viens de trouver la faille…
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