Le journal du professeur Blequin (150)

Lundi 15 mars

16h : Trois jours à peine après que mon père ait reçu sa première dose, on nous annonce que l’utilisation du vaccin qui lui a été inoculé est suspendue en France. Pourquoi ? Parce que, paraît-il, quelques personnes âgées auraient attrapé une maladie grave après avoir été vaccinées… Comme s’il était bizarre de ne pas être en excellente santé quand on est vieux ! En attendant, tout ce que je vois, c’est que mon septuagénaire de père ne se porte ni mieux ni moins bien qu’avant d’avoir été vacciné. Cette suspension sera sans doute levée assez rapidement, mais tout ce qui peut retarder la vaccination et instiller le doute au sein de la population est néfaste…

Mardi 16 mars

12h : Au cours du déjeuner, ma mère me parle des « cigales zombies » américaines qui ne sortent de terre que tous les dix-sept ans pour se reproduire : ça donne lieu à un nuage impressionnant doublé d’un vacarme impressionnant, mais ça ne cause aucun dégât. Cela dit, il y a dix-sept ans, tout le monde n’avait pas encore le réflexe de dégainer un smartphone pour filmer le moindre phénomène insolite et j’imagine donc que cette année, les plus surprises seront les cigales qui se demanderont pourquoi les humains les regardent désormais au travers d’un écran…

Mercredi 17 mars

13h30 : Me voilà en ville pour livrer mon album à ceux qui l’avaient pré-acheté. Sortir à Brest par les temps qui courent, c’est encore une épreuve : tous ces badauds masqués, tous ces lieux de plaisir et de culture fermés… J’ai vraiment l’impression de rendre visite à un parent malade ; cette image vaut ce qu’elle vaut, mais quand j’emploie cette formule devant l’un de mes commanditaires, il abonde dans mon sens et ajoute même que « c’est la société entière qui est malade »… Qui va la soigner ?

21h : En ce soir de Saint-Patrick, Culturebox repasse le concert des 50 ans de Tri Yann. Ces images me procurent autant de plaisir que d’amertume : du plaisir pour des raisons évidentes, de l’amertume non seulement parce que, dans la période actuelle, la vision d’une foule s’amusant au concert remue inévitablement le couteau dans le plaie, mais aussi parce ça me rappelle que les « Trois Jean de Nantes » ont raccroché, ce qui m’attriste ; c’est étrange, parce que quand Nolwenn Leroy arrêtera de chanter, ça ne me fera rien…

Jeudi 18 mars

19h : La sentence est tombée : l’Île-de-France est reconfinée. Résidant en Bretagne, je ne suis pas concerné, mais j’ai quand même de la peine car cette mesure signifie tout simplement que la situation sanitaire ne s’améliore pas, et nous sommes déjà au mois de mars. Le virus, en tant que tel, je m’en fiche, mais l’espoir d’un retour à la normale s’éloigne et j’hésite entre le suicide et l’abandon…

Vendredi 19 mars

21h : Gulli diffuse Tintin et le lac aux requins. Ce n’est certes pas la meilleure adaptation en dessin animé des aventures du petit reporter, l’animation sommaire dessert quelque peu le scénario du génial Greg, mais je ne boude pas cette occasion de renouer avec l’un des rares bons souvenirs de mon enfance. Ma mère ne peut s’empêcher de relever toutes les correspondances avec le contenu des albums d’Hergé mais il y a aussi quelques passages typiques de l’esprit de Greg : ainsi, quand Haddock parle petit-nègre pour se faire comprendre d’un douanier syldave qui s’avère parler un français parfait, on n’est pas loin de l’attitude d’Achille Talon débarquant en Amérique du Sud dans Le trésor de Virgule. Et le couple de Syldaves rabrouant violemment Tintin qui veut seulement téléphoner me rappelle les parents du brave Achille… Décidément, il n’y a plus que la BD qui me rend loquace, aujourd’hui !

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