« Cavalier seul »

« J’ai la faiblesse de penser qu’en général, la méchanceté n’est pas une preuve d’intelligence. » (René Goscinny)

01-22

Devezh mat, Metz, mont a ra ? « Un nouveau Lucky Luke ? » Me suis-je dit l’autre jour… « Méfie-toi, Blequin, ai-je poursuivi ! Souviens-toi que tu n’avais pas été spécialement emballé par le précédent, lui aussi écrit par le duo Pennac-Benacquista… Oh et puis merde, c’est plus fort que moi ! » Alors j’ai vu…

J’ai vu et je n’ai pas été vraiment déçu, je dois l’admettre. D’accord, Pennac et Benacquista, ce n’est pas Goscinny, mais je trouve quand même salutaire qu’ils osent casser un peu les codes de la série et explorer une voie que leurs prédécesseurs n’avaient pas encore envisagée. Certes, les Dalton se chamaillaient déjà beaucoup au temps du regrette René. Certes, à la même époque, il leur est arrivé de se séparer par choix stratégique. Mais là, c’est tout de même la première fois qu’ils sont en compétition les uns contre les autres pendant toute la durée de l’histoire ! La raison ? L’autorité de Joe sur ses trois frères a fini par lasser ces derniers : c’est vrai que depuis le temps, si elle était efficace, on le saurait… Puisque William, Jack et Averell contestent l’autorité de leur frérot, celui-ci leur lance un défi : le premier des quatre à amasser un million de dollars sera le nouveau chef de la bande ! Et les quatre terribles de s’évader une nouvelle fois du pénitencier, pour la première fois chacun de leur côté et Lucky Luke de devoir se lancer à leur poursuite une fois de plus…

Hélas ! Voilà justement ce qui rend cet épisode intéressant : Lucky Luke va tomber sur un os… ou plutôt sur trois os ! En effet, William, Jack et Averell n’avaient pas tort de ne plus reconnaître Joe comme étant leur chef : tous trois vont, chacun de leur côté, déployer des ressources jusqu’alors insoupçonnées car étouffées par l’autorité de leur frère et ainsi tenir le poor lonesome cowboy en échec ! William deviendra patron d’un casino (aux roulettes truquées, évidemment) et sera protégé par le statut d’extraterritorialité des casinos, Jack se fera élire maire d’une ville pour le compte d’un financier véreux et se fera voter une auto-amnistie (il ne sera pas le premier !) et Averell lancera une chaîne de restaurants (what else ?), utilisant le chantage pour racheter d’autres établissements et en faire des franchises, inspirant ainsi les méthodes de ce qui allait devenir la maffia, le tout sous la protection des « honnêtes gens » qui raffolent de ses pizzas… Bref, Lucky Luke ne peut rien contre eux trois ! Et Joe, me direz-vous ? Et bien figurez-vous que celui qui se prend pour le plus intelligent des quatre ne fera preuve d’aucune imagination et continuera à dévaliser les banques comme le lui avait probablement appris sa môman ! De ce fait, il ne sera protégé par aucune loi et permettra même à Lucky Luke de tendre un piège à ses trois frères… Je ne vous dis pas comment, je ne vais pas vous enlever le plaisir de la surprise ! Toujours est-il que la morale de l’histoire, c’est que Joe, qui se prend pour un chef incontesté, s’avère finalement être à lui seul le point faible numéro un des Dalton, ce qui confirme ce que Goscinny disait de lui : « Joe, le plus petit, le plus méchant, et par conséquent le plus bête (j’ai la faiblesse de penser qu’en général, la méchanceté n’est pas une preuve d’intelligence), Joe, donc, est le chef. En tout cas, il est accepté comme tel par ses frères. (…)  Je me sers de lui pour prouver à quel point ses frères sont bêtes, puisqu’ils l’admirent lui, le plus bête de tous. » Je ne sais pas si Pennac et Benacquista ont lu le texte de Goscinny dont est tiré cette citation, mais il n’empêche que leur scénario s’accorde parfaitement avec la vision que leur prédécesseur avait de Joe Dalton ; la plus grosse gaffe de ses trois frères était de le reconnaître comme leur chef. C’est donc en faisant enfin preuve d’un peu de bon sens et en le reniant qu’ils peuvent enfin espérer montrer leur valeur et faire échouer Lucky Luke, mais même sans qu’ils lui obéissent, Joe sera tout de même leur talon d’Achille…

Je disais tout à l’heure que je ne vais pas vous dire la fin, mais finalement, histoire d’être salaud, je vais le faire quand même : Lucky Luke s’en va en chantant « I’m a poor lonesome cowboy ». C’est vache, hein ? Kenavo, les aminches !

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *