Le journal du professeur Blequin (47)

Mardi 21 janvier

13h30 : Je rends visite à un ami galeriste. Au fil de la conversation, il finit par me parler de son beau-frère financier qui vit à Dublin et il m’explique que la capitale irlandaise est la ville d’Europe qui attire actuellement le plus d’investisseurs étrangers ; fiscalité avantageuse oblige, tous les GAFA sont sur place et ils ne sont pas des modèles de discrétion : leur dada, c’est de racheter les quartiers pourris et de tout raser pour y implanter des cages en béton où des crânes d’œuf bourrés d’équations vont brasser du pognon et/ou des big data à longueur de journée… Et les habitants des anciens quartiers pourris, qu’est-ce qu’ils deviennent ? Ça, à tous les coups, Google, Facebook, Amazon et compagnie s’en fichent : toujours la même saloperie, version deux point zéro.

Mecredi 22 janvier

18h : Croquis de nu au cours du soir. Je me sors plutôt bien de l’exercice (qui est moins ardu qu’on ne le croit), la prof ne me fait pas beaucoup de remarques, mais je suis un peu frustré : depuis le début de l’année, on n’a eu que des modèles masculins et je ne peux pas m’empêcher de trouver le corps d’un homme assez grotesque. Je ne suis pas le seul, une autre élève (j’insiste sur le fait que c’est une femme) abonde dans mon sens, jugeant que le corps féminin est graphiquement plus intéressant. Je me demande quand même d’où vient cette carence de modèles féminins : je n’ose imaginer que c’est l’effet #MeToo, je n’ai jamais vu un élève manquer de respect à un modèle. Allez, les filles, revenez, vous n’avez rien à craindre : les élèves des Beaux-arts sont tellement concentrés sur leur dessin pour seulement penser à vous toucher, je vous jure…

Jeudi 23 janvier

13h15 : Je me rends à Guilers pour régler une petite affaire. J’attends le bus à l’arrêt Albert 1er, situé non loin de la station de départ. Il arrive… Et il ne s’arrête même pas ! Il y a quelques années, quand j’étais encore un lycéen qui découvrait à peine les transports en commun cette mésaventure m’aurait fait hurler de terreur : là, je ne suis qu’abasourdi et je décide de remonter l’avenue Foch à pied pour rejoindre la station de départ  ; chemin faisant, je me rappelle : en ce moment, le salon de l’orientation et de l’enseignement supérieur se tient au parc des expositions de Penfeld et les bus sont donc pleins à craquer de jeunes gens qui vont s’y renseigner sur les voies qui leur seront ouvertes après le baccalauréat ; je n’ose pas m’imaginer qu’ils espèrent tous y trouver la voie royale, mais c’est sûr que ça doit les changer des journées passées à rester enfermés au bahut… Toujours est-il que le parc des expos n’est desservi que par deux lignes de bus : celle de Bohars qui ne propose quasiment qu’un bus par heure et celle de Guilers sur laquelle ces ados se rabattent tous ! Il y a bien des navettes spéciales en renfort, mais elles ne suffisent pas à empêcher l’engorgement de la ligne régulière. C’est surtout pénible pour les usagers qui ont passé l’âge d’assister au salon et qui voient les bus leur passer sous le nez à cause d’un événement dont ils n’ont rien à foutre…

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