Assassiné hebdo

Amis messins, bonjour ! Je vous écris depuis la pointe Bretagne où, tout en habitant au bout du monde (c’est le sens littéral du nom du département « Finistère »), on trouvait aussi, dans les kiosques, « Siné hebdo ». Et oui, j’en parle au passé… une semaine déjà, aujourd’hui que « Siné hebdo » n’est plus… Heureusement qu’on picole ! Mais plus sérieusement, aujourd’hui, la presse écrite française est un peu plus pourrie qu’il y a une semaine.

Mais bon, on ne va pas pleurer, la joyeuse bande de voyous magnifiques qui ont contribué à l’écriture de ces 86 numéros n’aimerait pas ça, comme elle nous l’a d’ailleurs bien fait comprendre avec cet ultime numéro pas funèbre du tout dont le contenu pourrait se résumer à ceci : « Une aventure s’achève, mais le combat continue ! » On a d’autant moins de raisons de pleurer que c’est même, sur un point, une occasion de rire un peu : en effet, j’ai eu l’occasion de rencontrer l’un des rédacteurs, Arthur (qui n’a rien à voir avec l’animateur le plus con de la bande FM et du monde entier, cet Arthur-là est un ancien du « Charlie hebdo » des années 1970 et de « La gueule ouverte », il a une barbe et fume la pipe) à la suite de la première projection, à Brest, de « Choron dernière », le film de Pierre Carles et Eric Martin qui, comme son titre l’indique, traite des derniers jours du co-fondateur (avec Cavanna) de « Hara-kiri ». À cette époque-là, « Siné hebdo » surfait allégrement sur la vague de son premier succès, mais Arthur (que je salue au passage) m’a avoué être inquiet concernant l’avenir du journal sur le long terme, craignant que Siné, qui souffre de problèmes pulmonaires l’obligeant à rester sous assistance respiratoire dix-huit heures sur vingt-quatre, ne vive pas assez vieux pour poursuivre l’aventure et que l’hebdomadaire se retrouve sans directeur… Arthur peut finalement être rassuré : Siné aura survécu à « Siné hebdo » comme il avait déjà survécu à « Siné massacre » (lancé en 1962), à « L’enragé » (lancé en 1968) et à « Mords-y l’œil » (lancé en 1981 avec Choron) ! Quelque chose me dit qu’Arthur se serait cependant bien passé d’une telle issue…

En ce qui me concerne, en tant que fidèle lecteur depuis le premier numéro de l’hebdomadaire lancé le 10 septembre 2008 par le grand’père indigne du dessin d’humour, je n’ai qu’un regret, celui de ne pas avoir arrêté plus tôt de lire le « Charlie hebdo » de Philippe Val ; j’aurais dû le faire dès le lancement de « Siné hebdo », mais j’avais commencé à le lire en 2002, à une époque où ce journal, dirigé par le génial Gébé, était encore valable en tant que journal satirique : autant dire qu’il me fut extrêmement difficile de me débarrasser de cette habitude, et Cavanna, fidèle à lui-même dans ses chroniques, ne m’y a pas aidé… J’y suis finalement arrivé, mais je me retrouve maintenant avec tous les « Charlie » achetés entretemps, que je garde en tant que documents et auxquels j’ai trouvé une utilité pratique. En effet, après avoir lu le dernier « Siné hebdo », je décidai de les mettre dans mon armoire à plat et non plus pliés comme ils l’étaient jusqu’à présent : pour atténuer leur pliure, je posai dessus, en les laissant, en revanche, pliés, tous les « Charlie » parus à la suite du numéro fatal dans lequel était publiée la « Zone » de Siné contenant le commentaire sur Jean Sarkozy qui lui valut son éviction ; ces numéros trouvèrent ainsi une utilité assez proche de celui du livre que l’on utilise pour caler un meuble…symbolique, n’est-ce pas ?

J’entends déjà aller bon train ceux qui disent « Mais il va arrêter de nous raconter sa vie, ce clampin ? » Patience, que diable ! J’arrive là où je voulais en venir : retrouvant le numéro contenant le commentaire de Siné sur Jean Sarkozy, je décidai donc de relire cette chronique par laquelle le scandale est arrivé. Vous le savez sans doute, il y avait deux motifs à l’éviction de Siné : officiellement, le vieux dessinateur était limogé pour antisémitisme (un comble !) parce qu’il avait commenté en ces termes une hypothétique conversion de Jean Sarkozy au judaïsme destinée à lui permettre d’épouser l’héritière de la firme Darty : « Il fera du chemin dans la vie, ce petit ! ». Évidemment, le subterfuge est trop gros : officieusement, Denis Robert l’a bien compris et le redit dans le dernier « Siné hebdo », le dessinateur a été renvoyé parce qu’il était le seul collaborateur de « Charlie » à avoir osé désavouer ouvertement l’édito de Philippe Val sur Denis Robert, dans lequel l’actuel (et néanmoins honni) directeur de France inter comparait notamment le journaliste traîné en justice par Clearstream (entreprise qui a le même avocat que « Charlie », Me Richard Malka) à Thierry Meyssan et son livre au « Protocole des sages de Sion »… Plus imbécile comme argumentaire, tu meurs ! Évidemment, licencier Siné pour avoir désavoué cet édito, de la part de Philippe Val, c’était reconnaître qu’il était un crétin, et surtout ça faisait désordre de la part du champion autoproclamé de la liberté d’expression… Aussi, a posteriori, voilà comment je m’étais représenté la chose : Val écrit un édito sur Denis Robert, Siné le désavoue dans sa « zone », Val et Malka attendent que Siné fasse un dérapage ou écrive une phrase susceptible d’être considérée comme telle, Siné écrit le commentaire sur Jean Sarkozy, et enfin il est renvoyé. J’avais tort.

En effet, en rouvrant le « Charlie hebdo » fatal, je me suis aperçu que le commentaire sur Jean Sarkozy n’avait pas été écrit quelques zones après celle désavouant l’édito de Val mais EXACTEMENT dans la même zone dans laquelle ce désaveu était formulé ! Val et Malka n’ont donc même pas attendu que Siné dérape : ils ont décidé de l’évincer tout de suite et ont pris pour cela le premier prétexte qui leur tombait sous la main ! Dans ces conditions, comment ne pas éventer le subterfuge, à moins d’avoir des œillères en acier trempé ? Philippe Val n’est donc pas seulement malhonnête : il est aussi complètement con ! C’est pourquoi nous pouvons le dire : oui, Philippe Val est bel et bien, malgré lui, le vrai fondateur de « Sine hebdo » et si vraiment la disparition de ce journal vous attriste, vous pouvez vous consoler en repensant à la tête que doit tirer Val depuis le 10 septembre 2008, jour à compter duquel l’esprit stratégique de ce grand patron de presse fit l’admiration de tous : je le vois d’ici en train de s’auto-flageller en clamant, tel Jacques Chirac après les élections législatives de 1997 : « Quel con, mais pourquoi j’ai viré le vieux, hein pourquoi ? Mais quel con, j’vais me bouffer ! Putain, mais quel con, quel con ! » Amis de Lorraine, Kenavo.

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