Je suis allé à Carnuta. C’est pas mal.

Amis messins, bonjour ! Je vous écris depuis la pointe Bretagne où le temps semble enfin se remettre au beau (pourvu que ça dure !) après un week-end particulièrement épouvantable sur le plan météorologique : après cinq semaines ensoleillées en Sarthe, découvrir l’horreur faite météo lorsque l’on rentre chez soi est un peu minant pour le moral ; que faire à part se replonger dans ses souvenirs de vacances ? J’ai donc décidé d’en partager un avec vous.
Tout d’abord, permettez-moi de vous présenter Jupilles (72500), aimable petite ville de la vallée du Loir d’environ cinq cents habitants, lovée dans la « faucille » que forme sur une carte la forêt domaniale de Bercé, vestige de la grande forêt des Carnutes qui recouvrait jadis une partie importante du territoire avant que Jules César ne la morcèle – il faut que j’arrête d’écrire comme ça, sinon je suis bon pour faire des piges au Guide du routard. Cette situation géographique fit bien évidemment de Jupilles une cité privilégiée pour que s’y développent les commerces liés aux métiers du bois, et plus particulièrement la saboterie : ainsi la ville fut-elle longtemps réputée, notamment pendant le second empire, pour ses sabots, reconnaissables grâce à la fameuse rosace dont ils sont ornés – vous voyez que les marchands de fringues qui collent leur logo sur leurs oripeaux n’ont rien inventé. Hélas ! Hélas ! Temps passés à jamais révolus ! Mais où sont les neiges d’antan ? Aujourd’hui, les sabots de bois ne sont plus guère portés, le dernier sabotier de Jupilles a pris sa retraite – juste à temps pour ne pas être obligé de bosser jusqu’à 67 ans mais c’est un autre sujet – et les sabots de la petite ville ont grossi les rangs des pièges à touristes… Enfin ! Jupilles n’en a pas moins longtemps vécu avec la forêt et de la forêt…et elle continue aujourd’hui, d’une certaine façon, précisément grâce à l’attrait touristique de la forêt et l’intérêt patrimonial du souvenir laissé par les travaux du bois, intérêt patrimonial qui était mis en valeur, jusqu’à une date récente, par le musée du bois de la ville.

Je parle au passé de cet éco-musée exploité par le foyer rural de Jupilles car il a fermé ses portes en 2006. La communauté de communes Loir et Bercé n’a cependant pas laissé tomber dans l’oubli ce patrimoine puisqu’elle a entrepris la construction d’un nouveau bâtiment, la maison de la forêt, Carnuta – du nom de la forêt gauloise dont Bercé est un vestige, suivez un peu s’il vous plaît – qui a ouvert ses portes en juillet 2010. Voilà où je voulais en venir : lors de mon escapade sarthoise, je n’ai pas manqué d’aller visiter ce site destiné à faire découvrir la forêt et les métiers du bois. C’était le 23 juillet, donc très peu de temps après que Carnuta fût ouvert au public. Autant le dire tout de suite, le bâtiment, par sa forme passablement futuriste, se fait immédiatement remarquer dans le cadre du petit village qui l’accueille, petit village que je qualifierais volontiers de « pittoresque » si je travaillais pour un guide touristique ou si je ne trouvais pas d’autre mot (c’est d’ailleurs le cas) ; manifestement, la communauté Loir et Bercé mise sur un succès de fréquentation respectable, car ce ne sont pas les quelques cinq cents habitants du patelin (lesquels, de toute façon, connaissent déjà la forêt) qui vont faire durablement vivre ce bébé qui aurait moins juré à Tours ou au Mans, villes à mi-chemin desquelles Jupilles est située, à ceci près que, dans une de ces grandes villes, ce sont les plaques de châtaigner (ce bois a été choisi pour éviter que des bestioles entrent sans payer, le sans-gêne des petites bêtes étant notoire) recouvrant la quasi-intégralité de la façade qui assurerait à la bâtisse son originalité esthétique. Bref, un édifice insolite.

Une fois entré, après avoir payé l’entrée, deux étages sont offerts à votre curiosité, libre à vous de décider par lequel des deux vous commencez, soit le rez-de-chaussée consacré aux expositions temporaires, soit l’étage, dans lequel a lieu la découverte proprement dire de la forêt et des métiers qui y sont liés. L’espace exposition temporaire, lorsque je l’ai visité, retraçait l’histoire du défunt musée du bois et de Carnuta, au travers de photographies et de coupures de presse – la présence desdites coupures n’est d’ailleurs pas spécialement une bonne idée parce que tout le monde n’apprécie pas forcément de lire un article de presse fixé verticalement devant soi. L’ensemble n’offre rien d’exceptionnel sur le plan de la muséographie mais, exposition temporaire oblige, il fallait bien faire simple pour pouvoir déplacer et remplacer ce qui est exposé. D’autre part, pour revenir à cette exposition sur l’histoire de Carnuta, ils auraient aussi pu se passer de placer des rebuts du chantier tels que cônes, clôtures, panneaux et outils : je suis peut-être le seul, mais voir de tels objets me déprime, sans doute parce qu’ils rappellent trop la vie citadine – pour une « maison de la forêt », ça la fiche un peu mal… Bref, mieux vaut commencer par le rez-de-chaussée qui, certes, peut présenter des expositions intéressantes sur le fond mais sans rien offrir, du point de vue de la forme, de plus que beaucoup d’autres expositions soutenues par des collectivités locales de province. Bon, je suis peut-être un peu sévère, mais il faut dire que ce rez-de-chaussée fait relativement pâle figure en comparaison de l’exposition permanente installée à l’étage…

Ah là, évidemment, ceux qui fouillent nos régions en quête d’authenticité en sont pour leurs frais ! Pas question d’amateurisme : la muséographie est impeccable, les moyens n’ont manifestement pas manqué et tout a été fait de façon à ce que l’ensemble soit accessible au grand public et aussi ludique que possible. De surcroît, il n’y a pas de fenêtres, toute votre attention est captivée par ce qui est offert à votre curiosité dans cet intérieur dont lumières et couleurs ont été choisies pour rappeler l’ambiance de la forêt. Vous entrez en écoutant le « dialogue des vieux arbres » ou plutôt le dialogue entre deux vieux blasés et un jeune con, tous représentants de la noble race des chênes ; en parlant de chêne, immédiatement à côté, se trouve exposée, sous vitrine, une « rondelle » du Chêne Boppe, ce chêne planté en 1647 qui fut la fierté de la forêt de Bercé avant d’être foudroyé en 1934. Sur la vitrine sont inscrites quelques dates importantes de notre histoire, chacune d’entre elles étant placée de telle façon à ce que l’on se représente à quel stade de croissance était parvenu le chêne à ladite date. De quoi se dire qu’on est bien peu de chose, ma bonne dame… « On est bien peu de chose », voici d’ailleurs une réflexion que peuvent formuler les forestiers : c’est grâce à Carnuta que j’ai enfin pris conscience du caractère émouvant de cette profession qui consiste, grosso modo, à cultiver des arbres sans avoir l’espoir de les voir récoltés de son vivant… Enfin passons.

Entrons plutôt dans le vif du sujet avec cette première partie de l’exposition permanente consacrée à la découverte de la faune et de la flore et de Bercé : pas question, ici, de la passivité propre aux visiteurs de musées « classiques ». Tous les sens, à part le goût ( !) sont sollicités, il y a des animations à regarder, il faut soulever des trappes, appuyer sur des boutons pour entendre les bruits de la forêt, regarder les oiseaux dans une longue-vue et même mettre son doigt dans des orifices pour y reconnaître, au toucher, le poil du sanglier, la texture du gland et autres : à déconseiller à ceux qui ont peur de l’inconnu, j’avoue moi-même avoir hésité à y mettre mon index, de peur peut-être qu’on me le croque ! La deuxième partie, consacrée aux travaux liés à la forêt, est plus proche, dans la forme, des musées classiques, et expose différents outils de façon à ce que l’on se représente l’influence progressive des progrès de la techniques ; on voit aussi que la technique ne résout pas tous les problèmes : l’éhouppage est toujours aussi périlleux, même si, apparemment, certaines têtes brûlées se permettent, une fois arrivés en haut de l’arbre, de se rouler une cigarette avant de commencer à travailler (non, non, je ne l’invente pas !). Il est aussi expliqué comment se déroule la vente du bois récolté : je n’ai pas pris de notes, mais si l’envie vous prend d’acheter du bois sans passer par les marchands, n’hésitez pas à y aller pour vous renseigner. Je signale enfin l’espace « atelier » qui, avec de petits films – à mettre en marche soi-même – et des outils exposés, présente les différents artisanats liés au bois tels que saboterie, charpenterie, menuiserie, etc. Peut-être des pistes à explorer pour réduire le chômage… Ironie mise à part, c’est bien fait, c’est intéressant, ça mérite l’argent que coûte l’entrée (six euros) ; enfin, c’est bien joli, mais maintenant, il faut aller la voir, cette forêt de Bercé… Amis de Lorraine, kenavo.

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