IL Y AURAIT BEAUCOUP DE JEUX DE MOTS FACILES A FAIRE SUR LE MOT « ROM », ALORS JE PREFERE M’ABSTENIR

Amis messins, bonjour ! Je vous écris depuis la pointe Bretagne où la xénophobie semble rester ce qu’elle devrait être : un phénomène relativement marginal. Du moins, c’est ce que je suis tenté de penser au vu des résultats électoraux non seulement du Front National mais même de l’UMP dans la région. En tout cas, si notre demi-président espère grappiller quelques voix avec ses expulsions de Roms, ce n’est pas chez moi – du moins, je l’espère – que ça va prendre !

Quoi qu’il en soit, quelle affaire, mes bons enfants ! Ça fait des années que Romanichels, Bohémiens, Tziganes, Gitans, Manouches et autres peuples nomades (ben non, ça n’est pas la même chose !) sont, au mieux, accueillis comme des chiens galeux ou, au pire, persécutés sans ménagement, et ce, dans toute l’Europe, sans déchaîner le moindre embryon de scandale où que ce soit, avec la bénédiction des beaufs de tous les pays (la France n’a pas le monopole de la connerie, hélas !) qui, traînant comme un boulet le crédit qu’ils ont pris pour acheter leurs clapiers mesquins, laissent libre cours à leur rancune envers ceux qui n’ont pas consenti, comme eux, à mener une vie de con sans broncher, rancune d’autant plus virulente envers les Manouches (j’utilise ce terme devenu générique pour aller vite) qu’elle est entretenue par des siècles de préjugés imbéciles (un pléonasme, excusez-moi !) inculqués de génération en génération, tels que « voleurs de poules », « enleveurs d’enfants », « diseurs de bonne aventure » et consorts. Et voilà que, du jour au lendemain, la presse européenne et même l’Église catholique (qui veut probablement rattraper ses erreurs passées…) se déchaîne contre notre demi-président et sa clique, à croire qu’une vague d’humanisme aurait déferlé sur le vieux continent, épargnant le « pays des droits de l’Homme » (ainsi que l’Italie, seul pays où ils ont réussi à se donner un chef pire que Sarkozy, l’exploit mérite d’être salué). Repentance tardive ?

Lisez plutôt : d’après la Süddeutsche Zeitung (Munich), le mari de Carla Bruni « multiplie les gesticulations, croyant faire montre de force alors qu’il relève ainsi sa faiblesse ». Dans Sega (Sofia), Svetoslav Terziev ose même écrire : « Tout est prêt pour la déportation officielle la plus massive d’Europe depuis la Seconde Guerre mondiale. » The Times (Londres) met à la une « Sarkozy expulse les Roms et réveille les souvenirs de la Gestapo. », The Independent parle de « formules xénophobes et simplistes », The Guardian met en garde contre le « risque que le populisme gagne la France »… Chirac aussi se faisait tailler en pièces par la presse britannique, mais c’était pour son engagement contre la guerre en Irak : si ce n’est pas le signe que la France va vraiment de mal en pis… Et moi qui riais au nez des gens qui, au lendemain d’un certain 6 mai 2007, disait qu’on venait d’hériter du premier président susceptible de nous faire regretter Jacques Fricfrac !Je vous en donne d’autres ? Bon d’accord, les journaux français sont si lèche-cul envers notre conducator que lire ce que la presse étrangère dit de lui devient rafraîchissant : El Pais (Madrid) parle de « mesures xénophobes qui divisent la France » et fait preuve de lucidité en dénonçant l’« offensive électorale » : meurtrie par trente-six années de franquisme, l’Espagne a appris à se méfier des politiciens dont le discours louche vers l’extrême-droite, comme le PP (Parti Populaire officiellement, Parti Populiste officieusement) a pu s’en rendre compte aux dernières élections ; faut-il en conclure que, de même qu’il faudrait (d’après certains abrutis) une bonne guerre aux jeunes d’aujourd’hui, il faudrait une bonne dictature à la France qui persiste à tomber dans ce piège ? Bon, là, je noircis un peu : Sarkozy, effectivement et de toute évidence, vise, d’une part, à récupérer les voix d’un Front National qui a montré aux dernières Régionales qu’il bandait encore et, d’autre part, à contenter l’électorat villiériste qui lui est acquis depuis que le Neuneu du Puy du Dingue a rejoint la Majorité pestilentielle. Bon calcul électoral ? Pas forcément : une élection, ça se gagne au centre, les voix décisives sont celles des derniers indécis plutôt que celles des racistes charpentés, et quand on gagne une voix à droite grâce à l’électoral FN, on en perd facilement cinq au centre… Bref, une stratégie imbécile qui serait plutôt rigolote si ça ne se traduisait pas, sur le terrain, par tous ces innocents, hommes, femmes et enfants, renvoyés sans ménagement dans des pays où ils n’ont, pour beaucoup d’entre eux, jamais mis les pieds. Quoi ? Vous avez haussé les épaules quand vous avez lu « innocents » ? Manifestement, vous vous laissez manger le cerveau par ces faits divers où sont impliqués des gens du voyage… Bien sûr qu’il y a des Romanichels (encore une fois, le terme est employé à titre de généralisation) qui commettent des exactions, mais je suis persuadé qu’ils n’enfreignent pas plus la loi que les « bons français » ! Seulement, quand la presse pourrie en parle, elle met l’accent sur les origines du fauteur de troubles, comme si cela avait une influence quelconque : elle ne dit pas qu’il y a un lien de cause à effet, bien sûr, mais le seul fait de mentionner, même brièvement, que le délinquant n’est pas un « bon français bien de chez nous », suffit à l’insinuer. Combien de fois faudra-t-il vous le dire ? La délinquance n’a pas de nationalité ! Et puis quand bien même : si vous aussi, où que vous alliez, vous étiez traité pire qu’un chien, harcelé par les flics, avec un accès plus que difficile aux soins et à la citoyenneté, vous aussi, vous deviendriez dingue ! Non, les Roms n’ont pas la violence dans le sang ! Il est plus juste de dire qu’ils l’ont dans le c** ! (Qu’est-ce qu’on rigole, pas vrai ?) Et n’oubliez jamais qu’en chacun de nous, il y a un délinquant qui sommeille : qu’on soit blanc, noir, jaune, rouge, vert ou bleu, personne n’est assez innocent pour pourvoir être à l’abri de faire une connerie…

Bon, reprenons : en Roumanie, le quotidien Gândul fustige Tsarkozy en soulignant qu’il « veut faire monter sa cote dans les sondages et il a commencé une véritable croisade contre les camps de Roms qu’il démolit » ; le quotidien Romania Libera, qualifie même ouvertement de « raciste » la « dérive anti-Roms de la France sarkozyste ». On est tenté de se réjouir de cette désapprobation, mais il est à peu près certain que Sarkozy s’en fout : il sait que les Français, les yeux rivetés sur leur nombril tricolore, ne lisent pas la presse étrangère. Moi-même, si je n’avais pas eu accès à un article du JDD (on ne pourra pas me reprocher de cacher mes sources !) qui faisait l’inventaire de ces critiques acerbes (mais justes), je n’en aurais peut-être pas entendu parler… Plus embêtante peut-être pour notre demi-président est l’entrée de l’Église catholique dans ce « débat » (je mets le terme entre guillemets parce qu’il n’y a rien à débattre : ces mesures sont dégueulasses, et ce n’est pas une invitation à la discussion) : ces mesures rappellent sans doute de mauvais souvenirs à SS (Sa Sainteté) Benoît XVI, ancien des jeunesses hitlériennes ! Quoi qu’il en soit, entrer en froid avec le Pape, lequel a rappelé que « Jésus nous demande d’accueillir les légitimes diversités humaines », voilà qui la fout mal pour un chef d’État qui ne s’est jamais caché de vouloir réconcilier les Français avec la religion (je devrais plutôt dire, vu la teneur de ses discours sur la question : « avec la foi de charbonnier » !). Là, l’électorat villiériste qu’il pensait avoir récupéré grince des dents… Mais surtout, l’attitude de l’Église est symptomatique de ce que je pense être un étrange retour des choses, probablement sans lendemain (j’espère me tromper) : quand l’Europe est devenue l’Europe des 27, quasiment (j’ai bien dit « quasiment ») aucun desdits vingt-sept ne s’est montré disposé à accueillir les Roms sur son territoire ! Partout où ils vont, les peuples nomades sont considérés comme des moins que rien et l’Église catholique n’a pas toujours été la dernière à fermer les yeux là-dessus, tant il est vrai qu’elle est plus occupée à protéger la bonne conscience des braves gens chafouins et trop nourris qu’à sauver les âmes de tous les hommes – les Tziganes déportés pendant la seconde guerre mondiale sans que Pie XII ait moufté savent de quoi je veux parler… Alors pourquoi cette repentance générale qui rend la politique de Sarkozy plus scandaleuse que toutes les politiques d’expulsion et de persécution mises en place auparavant, au point d’être comparées à la politique hitlérienne ? Si le tollé médiatique que le discours et les mesures de Nicoléon Ier envers les Roms ont suscité en Europe peut être le signe d’une évolution du regard porté sur ces peuples nomades, c’est plutôt une bonne nouvelle, certes, mais pourquoi attendre ces mesures, certes scandaleuses, pour que les Roms ne soient plus objet de mépris mais de pitié ? Les mesures sarkoziennes contre le peuple Rom sont scandaleuses, mais pas plus, finalement, que toutes celles prises auparavant à l’encontre de ce peuple, exception faite évidemment de la politique d’extermination de l’Allemagne nazie qui représente le plus haut degré d’horreur humaine ; si c’est le signe d’un nouveau pas en avant de la tolérance, c’est tant mieux, mais je ne peux pas m’empêcher de trouver cela curieux…

Je prends conscience tout à coup du fait que ce que je viens d’écrire est peut-être sans intérêt : peut-être que je parle pour rien, que je tourne en rond, que je suis injuste avec quelqu’un, que je me trompe. En même temps, il n’y a pas grand’ chose d’autre à dire, face la politique migratoire de Tsarkozy, que « C’est absolument scandaleux ! », mais si je m’étais contenté d’écrire ça, vous auriez crié à l’escroquerie. Il se trouve que la désapprobation dont ladite politique migratoire est l’objet à l’étranger m’a semblé surprenante compte tenu du mépris dont les peuples nomades ont longtemps été l’objet (j’en parle au passé mais c’est loin d’être fini) partout en Europe, alors je voulais en parler. En même temps, qu’est-ce que ça peut faire ? Ce n’est pas ça qui rendra plus ou moins intolérable la situation des Roms expulsés vers des contrées qu’ils n’ont, pour beaucoup d’entre eux, jamais vues ; je m’empresse d’ajouter qu’ils ne sont pas logés à une meilleure (ou plus mauvaise) enseigne que les immigrés originaires d’Afrique, d’Asie ou d’Amérique du Sud (entre nous, s’ils veulent qu’on les laisse habiter en France peinards, ils n’ont qu’à être riches !) : la presse étrangère en parle maintenant, mais ça fait des années que le scandale dure… Alors, ce règne de la raison, ça vient ?

Amis de Lorraine, devlesa (« kenavo » en romani).

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