Epiphanie de la cuisson du quinoa

Il est bon de savoir de temps à autre se départir de son costume de chroniqueur acerbe, car l’on ne peut pas passer le court intermède qui nous est alloué sur cette pauvre planète à se gausser des multiples variétés d’empêcheur de vivre comme bon nous semble qui se multiplient de façon exponentielle, sans encourir le risque de se voir taxer d’aigreur, voire d’acrimonie. Si les flèches que nous avons désormais coutume de distribuer sont trempées dans le curare de l’ironie vengeresse, elles ne visent qu’à l’amusement des lecteurs et à l’édification des amateurs de vocabulaire désuet.

L’auteur de ces lignes, que seules une farouche indépendance et une sainte haine de l’obséquiosité empêchent de se nommer votre serviteur, ne sort usuellement de sa tanière que mû par la soif de bon vin ou de littérature digne de ce nom, et les groupements plébéiens occupent dans son esprit la même place que la compassion et le multiculturalisme dans celui de Claude Guéant .Mais aujourd’hui, pour célébrer mon retour (provisoire) à de bons sentiments, je vous invite dans ma cambuse pour vous parler de jolies choses. Merci de mettre les patins et de ne point importuner les chats.

Si j’ai déjà parlé en d’autres temps et d’autres lieux de la fascination qu’exerce sur mon esprit avide de découvertes esthétiques le spectacle de l’explosion de pois chiches dans un micro-ondes, je vais aujourd’hui vous entretenir d’un plaisir qui n’a rien à lui envier en terme d’intensité émotionnelle, mais qui est beaucoup moins fugace: la cuisson du quinoa. Cette ravissante herbacée, déjà cultivée par les Incas de l’Altiplano (qui préfèrent aujourd’hui la coca et ses dérivées qui rendent le football moderne si attrayant), ressemble à s’y méprendre à une céréale, mais cache en fait sous ce costume d’apparat un légume, très riche en protéines et idéale pour les menus végétariens. Les présentations étant faites, passons à la cérémonie.

Observons le ballet des graines de quinoa-mon-amour dans une casserole d’eau bouillante. Après une courte période d’inactivité, les protagonistes se soulèvent, tournoient et s’élèvent comme les bulles de champagne. Mais alors que la bulle poursuit son envol vers la surface et achève sa brève existence en une courte explosion, la graine de quinoa, au sommet de son entrechat, se départit de la mince pellicule qui lui sert de robe, et retombe gracieusement parmi ses congénères. Après dix minutes d’émerveillement,essorez et laissez refroidir les ballerines qui auront désormais une apparence translucide parcourue d’un mince filament qui n’est pas sans évoquer une ampoule à peine éteinte, et passez à des nourritures plus terrestres en y joignant tomates, cubes de radis et de gruyère, et une vinaigrette selon votre coeur.

Comme on peut être végétarien et ne pas dédaigner la chair, partagez cette rafraîchissante salade avec votre ou vos moitiés, car il en est en amour comme il en est en vinaigrette: chacun sa recette.

 

 

2 comments on “Epiphanie de la cuisson du quinoa

    1. Très juste! Ou du pamplemousse aussi.
      Et dans la vinaigrette, on peut remplacer le vinaigre par du Maggi 🙂

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