Je suis contre

 

« Ce n’est parce que la mort fait de la peine qu’il faut rétablir la peine de mort« 

Jonathan Hoesch, Pensées, La Pléiade

 

Aujourd’hui, foin des petits tracas de la petite politique, et des programmateurs de cinéma à l’esprit chagrin. Entrons dans les grands principes fondateurs avec la même vigueur et la même certitude qu’un mégalomane paranoïaque à l’Elysée (je ne vise personne). Seul le recours aux lumières de la philosophie nous permettra de baliser ce long chemin parsemé de certitudes de comptoir nourries au fait divers et au dépeçage de petite fille visant à engrosser notre code pénal qui pèsera bientôt encore plus lourd que la gastronomie alsacienne, c’est dire l’inflation législative dont nous souffrons depuis quatre ans et demi à chaque fois que la curiosité pousse un quidam à disséquer un enfant pour comprendre ce qui le distingue de l’Homme. Un grand penseur français bramait  en 1976 « Je suis pour » afin d’exprimer sa colère à l’endroit du laxisme des juges français. Le même théoricien est aujourd’hui fâché avec Sarkozy et menace de voter à gauche et affiche sa sympathie pour Manuel Valls, c’est dire la complexité de sa pensée.

Or, l’hiver commence à tisser son manteau immaculé et la bise frisquette pousse l’homme dépourvu de logis à boire pour se réchauffer, jusqu’à ce que ravalé au rang de la bête par l’abus de breuvages à l’éthanol, il aborde une fillette au coin du bois et la sculpte au canif pour la modeler à son goût avant de se livrer sur sa petite personne à des comportements que la morale réprouve hors des liens bénis du mariage. Après qu’on a soupçonné un homme dont le casier, à l’instar de la jouvencelle, n’était plus vierge (réactivant de fait  la polémique sur le traitement des récidivistes), un SDF s’est rendu de son propre chef aux forces de l’ordre car sa gueule de bois l’empêchait de se rappeler s’il était vraiment l’auteur des faits ou s’il ne s’agissait que d’un songe érotique légèrement déviant. L’analyse de son ADN a prouvé qu’il était bien le suspect numéro un, et qu’il risquait fort de trouver un toit à l’ombre pour les trente années à venir (c’est comme ça que Sarkozy promettait zéro SDF à la fin de son mandat: tous en cabane). Puis est advenue la désormais traditionnelle marche blanche qui accompagne chaque décès qui survient dans des circonstances aussi violentes et tragiques. Quoique je conçoive aisément l’horreur qu’inspire ce genre de distraction en état d’ivresse, je comprends difficilement ce qui pousse un citoyen quelconque à se joindre à ces défilés. S’agit-il de présenter ses condoléances à la famille à la vue de tous, est-ce une façon de contrôle social pour prouver une appartenance à une communauté qui réprouve ce type de barbarie à l’encontre d’un enfant qui ne criait même pas dans le train? Ou bien est-ce un appel muet à la puissance publique afin que l’indélicat soit châtié en place publique, un procédé discret pour montrer que l’on serait favorable à la peine de mort sans encourir le risque de se faire traiter de fasciste arriéré?

Sans surprise, la première à avoir mis les rangers dans le plat est Marine Le Pen, dont on connaît l’attachement aux valeurs républicaines et démocratiques. Peut être suis-je un incurable optimiste, mais je pensais que ce genre de propos était désormais réservé à la marge la plus intellectuellement démunie de la population, et que la lame de la guillotine avait été fondue pour frapper des euros précieux qui nous eurent permis de combler notre déficit et de garder notre AAA qui nous prémunit des assassins sanguinaires qui cernent l’Europe pour faire travailler nos innocents bambins dans des usines à iPad en attendant d’être débités en bûches par de vieux sadiques. Naïf que je suis. Comme la malheureuse liberté de la presse et le droit d’envoyer les curés de toutes les chapelles se faire enfoncer  foi et prophètes là où ça leur fait le plus de bien, les abolitionnistes seront donc éternellement contraints de lutter pour rappeler que tuer quiconque s’est rendu coupable d’un crime, c’est ajouter un meurtre à un meurtre, c’est superposer de la barbarie sur de la cruauté, c’est accepter l’idée peu démocratique d’une infaillibilité et d’une toute-puissance de l’appareil judiciaire et prendre le risque de tuer un innocent de plus, et c’est accorder du crédit à Michel Sardou alors que je milite pour la création d’un délit de chanson française. En bref, il est extrêmement logique que le coupable de l’horrible forfait contre la petite Océane soit condamné (encore qu’un débat sur la peine de prison ne serait pas un luxe), mais remercions malgré tout les charognards qui se repaissent de ce genre d’abjections de nous rappeler que la liberté est une sorte de mythe de Sisyphe, et que c’est pas forcément les plus cons qui se trimballent le rocher. Encore un Grec, comme par hasard.

Dans un prochain épisode, nous militerons pour que la loi interdisant le port du pantalon aux femmes soit enfin appliquée, puisqu’elle n’a jamais été abrogée. Nul n’est censé ignorer la loi tout de même.

 

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