Le Samu anti-social

« Le désir refoulé se manifeste dans la maladie »

Georg Groddeck

 

Par la faute de Laurent Wauquiez, nous allons encore devoir disséquer un assisté. On le sait, l’heure est aux économies des deniers publics, sinon le triple A et l’euro se feront conjointement la malle vers des paradis financiers où l’impôt est proscrit et où la promiscuité des pauvres est rendue plus supportable par l’absence de législation sociale, ce qui les rend plus humbles. Enfilez votre blouse et préparez vos tubes à essai. Après que nous avons brillamment démontré dans un épisode précédent que l’autorité scientifique du docteur Wauquiez en matière « d’assistanat » était presque aussi frelatée que le Beaujolais nouveau qui co-rédige cet article, offrons-nous une petite croisière dans les entrailles du dispendieux régime social qui fait que la France est un pays légèrement plus vivable que le Sud-Soudan.

Puisque sur les pressions des Thénardier de l’hôtellerie de luxe, la taxe sur les coûteuses nuitées dans les établissements de prestige a été abandonnée encore plus lâchement qu’un PS à la dérive par Lionel Jospin en 2002, il faut bien trouver des liquidités quelque part. Entre deux biberons à Claude Guéant et trois réunions avec Giulia, Sarko et son équipe de sauveteurs de choc ont eu une idée de génie. Puisque les pauvres et les bolcheviques ont tendance à se serrer la pince sans gants et à se partager la vinasse à même le goulot au mépris de l’hygiène et des règles basiques de la civilité, pourquoi ne pas les punir par où ils pêchent? Ainsi, s’il tombe malade, le fonctionnaire oisif se verra t-il astreint à un jour de carence dans le paiement de ses indemnités journalières, et le salarié du privé qui n’a pas encore intégré l’importance de la valeur-travail en prendra carrément quatre. Tel est le prix de l’incurie de l’employé  qui devrait dans un proche avenir signer son contrat de travail en lettres de sang à ce rythme (c’était bien la peine de couper la tête de nos rois, abattus comme de vulgaires Kadhafi, si c’est pour rétablir le servage et le Tiers-Etat deux cents ans plus tard). Quant aux irrécupérables dépravés qui persistent à refuser de s’ennoblir l’âme et de se purifier le corps dans le cadre de l’entreprise-église, on va les contraindre à sept heures de travail hebdomadaire, pour qu’ils gardent tout de même un peu de dignité. A l’époque où l’amitié franco-allemande était à son paroxisme, le travail rendait libre , mais aujourd’hui c’est la crise, alors le travail ne rend plus que digne, et tomber malade c’est ajouter l’irresponsabililité à la misère et à la déliquescence des moeurs. France, tes enfants partent à vau l’eau.

Le professeur Wauquiez omet évidemment de préciser que son équipe gouvernementale a saccagé la médecine et l’inspection du travail, qui permettraient d’éviter nombre d’arrêts de travail plus que prévisibles, et je vous fais grâce des arrêts définitifs pour cause de décès comme chez France Télécom, où les salariés se suicident sans même donner leur préavis légal de trois mois. Je précise d’ailleurs aux prohibitionnistes de tout poil que j’arrêterai (peut-être) de fumer le jour où les entrées d’entreprises porteront l’inscription « travailler tue » avec toutes les images écoeurantes qui vont avec.

Nous l’avons donc démontré, travailler ne rend pas plus digne que le canevas, la pétanque ou la Légion d’honneur, et participe même de la dégradation des conditions de vie quand l’employeur réclame flexibilité, disponibilité et’exigences salariales modérées si vous ne savez pas négocier les rétrocommissions sur les contrats d’armement ou la communication élyséenne. On n’est même pas sûr de l’utilité du travail appliqué aux domaines du nucléaire, de l’armement, des écrans aussi plats que les programmes qui y passent, des multiples professions qui réclament le port de l’uniforme, et de tant d’autres. Saisissons-nous donc d’un fonctionnaire. Imitez le cri des RTT ou contrefaites le bruit de l’horloge à 16 heures. Avant de l’assommer, interrogez-le sur son amour pour son métier: il se pourrait que le gueux vous réponde qu’il travaille uniquement pour nourrir sa famille (ou payer son loyer s’il pense à juste titre que la famille c’est pire que le travail) et qu’il pourrait même se passer de s’ennuyer au bureau quotidiennement alors qu’il y a tant de programmes soporifiques à la télévision qui réclament son attention. Ingrat cancrelat qui rechigne à faire des sacrifices pour son pays qui souffre. Relâchez-le finalement sur un parking de la MACIF, et surveillez les individus en haillons qui traînent autour des caddies pour récupérer un euro perdu par un consommateur négligent. C’est lui que nous allons disséquer car il en coûtera moins cher à notre économie au bord de l’asphyxie.

Pratiquez une incision du larinx jusqu’au bas-ventre, et extirpez tous les organes que vous pourrez, en ayant garde d’avoir une glacière à votre portée, car la pénurie de donneurs est de plus en plus alarmante. La science n’y a strictement rien gagné, mais Standard and Poor’s et le professeur Wauquiez vous en sauront gré d’avoir compris qu’il ne servait à rien de créer des emplois pour que tout le monde travaille. Il suffit d’appliquer le darwinisme social, qui est une lecture partielle et partiale de l' »Origine des Espèces ». En termes économiques, on appelle ce procédé « des économies d’échelle appliquées au facteur travail », en termes sarkozystes, on appelle ça des « mesures fortes et courageuses », et en bon français on appelle ceci du populisme mâtiné de léchâge de pompes au Front National.

Dans un prochain épisode, nous promettrons de ne plus disséquer d’innocents, sauf avec leur consentement exprès.

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