Kinder bueno, dopage pas beau

 

 » Je n’aime pas les gens qui prennent de la drogue, surtout les douaniers »

Mick Miller

 

Yannick Noah ne fait pas que chanter des conneries, il en raconte aussi pas mal. Avant de se reconvertir en croisement de Bob Marley et de Nicolas Dupont-Aignan, le rasta des alpages exonérés d’impôts était un joueur de tennis professionnel, ce qui lui confère une certaine expertise en matière de produits illicites. La question de savoir si son cerveau s’est dégradé quand il était sportif ou quand il s’est mis à chanter (enfin à miauler comme Carla Bruni) ne relève pas de ma compétence, d’autant plus que le bruit des balles jaunes est nettement moins insupportable que ses ritournelles. Mais bon, le dernier vainqueur français de Roland-Garros a ironiquement proposé de légaliser le dopage pour que les athlètes tricolores refassent leur retard sur ces vilains espagnols qui se gavent dans toutes les disciplines.

Il est mignon. Comme si nos compatriotes avaient attendu l’autorisation du pape du reggae centriste pour se gonfler le biceps à coup de stéroïdes, EPO, créatine, et autres produits dont seul un abus général sans conscience peut expliquer que ses albums se vendent aussi bien. Certes, on peut douter de l’efficacité de la consommation de Kinder Bueno sur les performances de Jo Wilfried Tsonga, et on peut légitimement se demander par quel miracle de la nature Rafael Nadal possédait à 18 ans la carrure d’un troisième ligne d’un autre sport où personne ne se dope. De même, une confrontation entre le FC Metz et le FC Barcelone tendrait à accréditer la thèse de Yannick Noah. La levée de boucliers qui a suivi sa tribune parue dans le monde, tant chez les dirigeants du comité olympique espagnol que chez les hautes autorités sportives françaises et les sportifs des deux nations, paraît éminemment suspecte, et pas seulement quand tout ce beau monde a le réflexe de renifler en contemplant les sommets pyrénééns qui nous séparent. Et si les athlètes, s’ils n’ont pas encore fait un infarctus après 15 ans de carrière, meurent encore plus jeunes qu’un ouvrier à la chaîne aux poumons remplis d’amiante, c’est sans doute sous le poids de l’émotion que draîne la compétition.

Quoique le dopage plus ou moins généralisé soit un secret de polichinelle, Yannick Noah a quand même soulevé un problème de santé publique important: le sportif qui se dope pour optimiser ses performances est semblable au cadre qui se gave d’anxiolytiques pour tenir ses objectifs, et qui met le professeur Wauquiez en colère contre les abus d’arrêts-maladie qui ruinent la Sécurité Sociale. Tenez-vous le pour dit, mesdames mesdemoiselles messieurs les athlètes, quand vous vous dopez, vous devenez des fraudeurs en puissance au lieu d’assumer vos habits bardés de publicité de modèles pour la jeunesse, et si Tsonga arrête le chocolat on va perdre notre triple A.

C’est bien pour ça que l’Espagne est exsangue aujourd’hui. Le sport ibérique, qui a connu un extraordinaire succès ces dernières années, est pollué par les drogués aux muscles disproportionnés. Le malheureux Zapatero qui a multiplié les projets structurants s’est ainsi trouvé fort dépourvu quand les caisses commencèrent à sonner aussi creux que la caboche d’un footballeur, tant le dopage avait pris d’importance dans le PIB. Résultat, les électeurs de la péninsule, déçus par la gauche et fatigués des Indignés, risquent de porter dès demain au pouvoir les successeurs de Franco qui ne se gêneront pas pour inciter les révoltés à se couper les cheveux et à travailler gratuitement au lieu de têter des pétards qui rendent mous et n’améliorent guère les performances, sinon Yannick Noah aurait chanté à l’opéra. Après que les banques ont porté leurs sous-fifres au pouvoir en Italie, en Grèce, et à la Banque Centrale Européenne, on devrait se réjouir du fait que les Espagnols vont pouvoir choisir eux-même ceux qui vont les saigner. Mais on craint fort qu’en termes de stupéfiants, tout ce dont hériteront les malheureux sujets de Juan Carlos (le seul homme au monde à avoir l’air plus sinistre que Fillon) sera un bad trip plus violent qu’un chapitre halluciné de William Burroughs.

En bref, entre les rigoristes qui n’acceptent la drogue que quand elle est quantifiable en termes de croissance et quand elle empêche le travailleur de faire bouffer son ordinateur à son patron, entre les candidats à divers scrutins qui dopent leurs sondages d’opinion à coups de populisme forcené, et entre les dealers d’opium du peuple qui reprennent du poil de la bête immonde, on se dit qu’on est aussi loin d’accéder au paradis terrestre qu’aux paradis artificiels en toute quiétude.

Dans un prochain épisode, nous tenterons de faire une overdose d’autosatisfaction comme Salvador Dali quand nous serons officiellement Président de la République Messine.

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