Ne vous mariez jamais

 

« Les chaînes du mariage sont si lourdes qu’il faut parfois être trois pour les porter »

Alexandre Dumas

 

La perplexité et le doute m’habitent. Dans sa dernière mini-zone, Siné évoquait des recherches qui démontreraient qu’en temps de crise, la libido suivrait une courbe inverse à celle de la progression du pouvoir d’achat. Ceci explique peut-être la constance du taux de natalité français, qui reste l’un des plus élevés d’Europe, bien aidé par l’indigence des programmes télévisuels et la consommation effrenée d’alcool qui a rendu nos organismes résistants à la radioactivité, sinon Areva aurait sombré depuis longtemps. Parallèlement, quoiqu’en légère baisse, le taux de mariage se porte également bien, avec plus de 250 000 unions célébrées en 2010, et c’est bien là que réside mon étonnement.

Dans ses modalités actuelles, désespérément hétérosexuelles, conformistes et patriarcales, le mariage est régi par les articles 212 et suivants du Code Civil, dont la lecture est à elle seule une incitation à s’infliger le supplice d’Abélard et à soupçonner la succube dans les beaux yeux d’Héloïse (et réciproquement). Parmi toutes les dispositions relatives à l’hymen, sauvons l’obligation de respect et d’assistance mutuelles, même si l’on est surpris qu’il faille le rappeler, et encore plus que ce soir du ressort du maire. A titre personnel, si j’étais assez masochiste pour me marier et si je vivais à Meaux, j’aurais du mal à ne pas pouffer en entendant Jean-François Copé me vendre sa moraline. Mais le reste du chapitre, c’est à se la prendre et à se la mordre jusqu’au sang. D’abord, la fidélité: je te le demande, monsieur le Maire, qu’est-ce que ça peut te faire si monsieur et madame Machin sont d’accord pour s’éclater chacun de leur côté (toujours dans le respect et l’assistance mutuelle, bien sûr) et se retrouvent à l’heure de l’ami Ricoré pour se faire un bisou avant d’aller s’ennuyer au bureau? Est-ce bien le rôle d’un édile municipal et d’un législateur de faire le boulot du curé et de préciser que la luxure nous mènera droit en enfer où l’on partouze encore plus frénétiquement qu’au Carlton de Lille? Et pourquoi tant d’athées consentent à se déguiser en pingouin et en meringue pour se faire faire la morale par un vieux bouc qui est supposément vierge, si l’on a préalablement pris le soin de ne pas laisser d’enfants à sa portée? Dans le même ordre d’idée, le Code Civil assigne aux époux une obligation de communauté de vie. Mais pourquoi faire? Pourquoi pas chacun chez soi, ce qui règlerait une bonne fois pour toutes le problème de la répartition des tâches ménagères, de la suprématie sur la télécommande et de la tête et de l’haleine de l’élu(e) de son coeur au réveil? Enfin, venons-en à l’autorité parentale. Notons qu’à aucun moment dans le code, il n’est question d’éducation, mais bien d’autorité. Il faut pardonner au créateur des lois, mais c’est un réflexe de tout voir sous l’angle répressif, car il n’a aucune foi en l’homme et encore moins en la femme. Il incombe donc à ces derniers de dresser leurs chérubins pour éviter qu’ils ne gonflent les statistiques du ministère de l’Intérieur, pour le reste démerdez-vous ou contactez la DDASS.

Par ailleurs, on l’a déjà dit en d’autres temps, le mariage est une niche fiscale absolument  et éhontément discriminatoire à l’encontre des libertins, des homosexuels, des célibataires endurcis, des asexués et de ceux qui voudraient bien mais qui faute d’un potentiel de séduction insuffisant en sont réduits à trouver sexy un concentré de vulgarité comme Madonna, et là il faut vraiment détester l’environnement pour trouver que tous les goûts sont dans la nature. Supprimez les exonérations fiscales attachées au statut conjugal, et seuls les indécrottables romantiques qui vivent dans une bulle de guimauve et qui prennent Christophe Maé pour un chanteur dérangeront encore le premier magistrat de la ville qui a autre chose à faire avec tous ces espaces verts qui ne demandent qu’à être transformés en parkings. D’ailleurs, si j’étais assez masochiste (où s’il m’arrivait de m’oublier dans un moment d’ivresse) pour m’encombrer d’un gnome enfantin, je l’appelerais Demi-part pour bien lui rappeler que sa mère ne m’aime que pour l’argent et que l’autorité parentale est un très bon défouloir quand on n’a pas les moyens de se payer un divorce. En résumé, le mariage selon le Code Civil est une forme d’aliénation particulièrement vicelarde qui prend sa sa source dans un sentiment d’amour tout ce qu’il y a de plus noble, mais que je ne sais quel pervers a jugé utile de devoir faire durer éternellement comme si le monde s’arrêtait de tourner quand sa « moitié », blanche et diaphane, entrait dans la pièce. Puisqu’on peut très bien s’aimer sans se marier comme on peut se marier sans s’aimer, abandonnons l’institution rétrograde du mariage qui met des liens de propriété et de subordination partout, et  proposons plutôt aux aficionados de l’union officielle l’extension du PACS, qui comme son acronyme l’indique assez peu est un contrat civil exempt de morale, dissoluble à tout moment sur simple visite au greffier, et qui présente l’avantage d’être accessible à tous sans discrimination aucune. Même si sans le PACS, on n’aurait jamais connu Christine Boutin et on n’aurait jamais su qu’elle se promenait nue chez elle. C’est presque aussi horrible que « les Mariés de Vendée » de Didier Barbelivien.

Dans un prochain épisode, nous nous étonnerons que tout le monde connaisse l’opéra Carmen de Bizet, et que si peu de monde retienne que l’amour est enfant de Bohême et n’a jamais connu de loi. Et cela, même Claude Guéant n’y peut rien.

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