Miroir, mon beau miroir

 

« Les miroirs feraient bien de réfléchir un peu avant de renvoyer les images »

Jean Cocteau

 

Ca y est, François Hollande a sorti ses griffounettes et est entré en campagne. J’ai raté le début de son meeting pour cause d’allergie aux chansons de Yannick Noah, mais pendant cinq minutes, j’ai cru voir un candidat de gauche. La laïcité dans la Constitution (pour l’Alsace-Moselle aussi s’il vous plaît; petite digression pour rappeler que notre glorieux régime local de sécu est la seule branche bénéficiaire de l’assurance-maladie, ce qui prouve que rembourser mieux n’est pas une gabégie quand l’assiette de cotisation est bien répartie), vote des étrangers aux élections municipales (et pourquoi pas à toutes les élections?), retrait des troupes qui se font canarder en Afghanistan au mépris des périodes de chasse…bref, pas encore le grand soir mais déjà un bon petit début de soirée. Pas encore l’occasion de sortir le drapeau noir et de chanter l’Internationale, mais largement assez pour remettre Bayrou à sa place (c’est à dire à droite), et pour faire japper l’UMP.

Le programme proprement dit ne sera révélé qu’à la fin de la semaine, aussi nous garderons-nous de pour l’instant de le disséquer au scalpel de la mauvaise foi immondaine, comme nous éviterons de nous enthousiasmer trop virulemment quand on connaît la capacité du PS à décevoir l’espoir qu’il a soulevé. On peut légitimement se demander comment trouver un ennemi dans la finance sans vouloir en finir avec le capitalisme, mais ce sera l’objet d’un autre article, si le temps nous le permet et si Yannick Noah veut bien la mettre en veilleuse. Si pour une fois j’ai la politesse de ne pas critiquer quelque chose que je n’ai pas vu, les Sarko Boys n’ont pas de ces pudeurs de jouvencelle. Il faut croire que le meeting du Bourget leur a mis un petit coup sur la cafetière, car le temps de réaction a été un peu long. Il faut dire qu’Hollande n’a pas ménagé sa peine pour prouver qu’il était l’anti-Sarkozy, rien qu’en une phrase qui vaut son pesant de cacahuètes allégées et de guimauve 50% pure saccharine 50% charité chrétienne, puisque l’ex premier secrétaire du PS a avoué devant un auditoire conquis qu’il aime les gens quand d’autres ne pensent qu’à l’argent. Emouvant, mais assez symbolique de la différence fondamentale entre le droite et la gauche.

Le Président de la République, fort marri de cette attaque ad hominem alors qu’il n’a même pas encore ses couilles en or auxquelles il tient tant, a donc lâché ses plus beaux caniches, missionnés pour mordre les mollets du « candidat normal » sur toutes les chaînes de télévision et de radio que compte le pays. On a dès lors pu observer un étrange phénomène de déni pathologique de la part de la droite, qui a reproché au candidat socialiste absolument tous les travers dont elle est elle-même coupable. Copé a qualifié la proposition hollandienne de baisser les traitements (et pas les salaires comme le dit Hollande malgré son respect pour « la belle langue française » avec un ethnocentrisme insultant pour les autres idiomes) du Président et des ministres de 30% de « démagogique ». Alors que le président protecteur, les immigrés qui font qu’on ne se sent plus chez soi, les assistés qui métastasent la société, tout ceci relève d’un parler vrai et d’une dialectique avant-gardiste comme jamais il n’en fut tenu en France. Puis le ministre de l’économie François Baroin, qui plastronnait il y a peu sur les effets négligeables de la perte du triple A, estime aujourd’hui qu’être contre la finance, c’est aussi absurde qu’être contre la pluie. Voilà qui doit faire enrager le professeur Blequin qui peste contre l’hiver clément qui est à peu près aussi inscrit dans l’ordre du monde que la gouvernance sans partage des banques dans une démocratie. De même, Baroin trouve que le discours du Bourget aurait pu être prononcé dans les années 60 ou 70. On ne fera pas l’insulte au ministre de lui rappeler de quand datent les écrits de Smith et de Ricardo qui ont permis l’émergence du système économique actuel, et on lui reprochera encore moins de piquer les programmes de Thatcher et de Reagan qui sont tout à fait contemporains.

Un peu plus tard, pas chronologiquement mais paragraphiquement, Daubresse, l’homme qui ne veut pas voir d’homosexuels dans les manuels scolaires, estime qu’Hollande se perd en cafouillages, en revirements, et patauge dans le flou artistique. Pas comme Sarkozy le psychorigide hypercohérent, qui crée un bouclier fiscal pour le retirer trois après, qui revalorise les retraites de quelques millièmes avant les élections après avoir saccagé le régime d’assurance vieillesse, et qui aligne les plans de rigueur même si les agences de notation ne font pas la politique de la France, et qui enterre Kadhafi après l’avoir accueilli de ses petits bras ouverts. Enfin, la délicieuse Valérie Pécresse a pour sa part déclaré que le programme de Hollande (qui rappelons-le, n’a toujours pas été rendu public) était une accumulation de mesures non financées, dopées à la drogue du déficit. Bien lancé de la part d’une ministre du budget qui a vu le déficit public se creuser comme jamais (600 milliards d’euros dont 150 imputables à la crise et le reste à la gestion rigoureuse du gouvernement) sous le règne de Nicolas la fourmi qui ne se déplace qu’en avion privé avec un bataillon de flics autour de lui de peur qu’un pêcheur breton ne lui mette un coup de boule. Enfin il faudrait quand même beaucoup se pencher et le coup perdrait de sa force, le coup de genou me semble plus indiqué.

Il semblerait donc que l’UMP souffre d’une petite blessure narcissique, ou d’un début d’Alzheimer, je laisse le diagnostic aux spécialistes. Finissons avec une petite citation de Marine Le Pen que je gardais pour la bonne bouche, qui ne trouve rien de mieux que de fustiger « un show à l’américaine ». Evidemment, quand ce n’est pas mis en scène par Leni Riefenstahl, elle n’aime rien.

Dans un prochain épisode, nous saluerons la naissance de la version française du Huffington Post, plus par politesse et parce qu’un journal de plus c’est toujours bon pour le pluralisme, que par réel intérêt pour un journal gratuit mais entièrement financé par la publicité comme un vulgaire 20 minutes. Je vous laisse, je vais rire en lisant les articles de Rachida Dati et de Nicolas Bedos, à côté desquels je mesure l’insignifiance de ma misérable prose. Enfin au moins pour l’un des deux.

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