Sainte Nadine priez pour nous

 

Coup de tonnerre pendant le premier tour des législatives: Sainte Nadine Morano, en son fief toulois, s’est pris une volée de coups orbes par les gueux sans foi ni loi. Oncques ne connut notre illuminée (qui jamais ne lut Rimbaud) pareille humiliation de la part du Tiers-Etat. En temps normal, c’est Nadine qui touche le populeux de sa grâce en le faisant renvoyer de son poste dans le prêt-à-porter ou en l’assignant devant les tribunaux quand il ose mettre en doute la sainteté de l’ex-Ministre de l’Apprentissage. Mais c’est bien connu, la plèbe honnête est corrompue par le jacobinisme parisianiste et les bobos qui dans leurs somptueux châteaux signent des PACS avec le diable pour multiplier les assistés et faire gagner le PS plus vite que Sarkozy ne multipliait les plans de rigueur de la dernière chance.

Or, à l’instar d’une autre sainte lorraine révérée par la droite, sainte Nadine entend des voix, et préfère mourir mille morts que de laisser l’ancien évéché aux mains des Anglois, des rouges, de Pôle Emploi et des innombrables renégats qui ne veulent pas « choisir la France ». C’est ainsi que notre jeune bergère, peinée de voir l’envahisseur socialiste hisser son infâme oripeau rosâtre sur ses terres de droit sarko-divin, se désespérait de trouver le sommeil, et n’avait de cesse de se tourner en tous sens. Ivre de l’infâme piquette des côtes de Toul dont elle usa tant et plus pour se consoler, elle finit par s’assoupir à l’extrême-droite de sa modeste couche de paille. Lors, la lumière se fit dans sa bergerie, et un être de lumière lui apparut qui lui glissa quelques mots en hébreu ou en araméen, enfin dans une langue de banlieue. Après avoir ingéré deux aspirines pour dissiper les brumes de son endorectocéphalie, et envisagé d’appeler la police pour renvoyer l’importun dans son pays, des mots familiers lui tombèrent dans l’oreille. Laissant tomber le combiné, elle se retourna.

La pauvreté du vocabulaire et la chevelure abondante de l’ange, car c’était à coup sûr un ange et peut-être même un archange, Dieu sachant sans nul doute qu’elle dédaignait fréquenter le petit personnel, lui firent d’abord penser que Frederic Lefevre s’était fait faire une teinture. Que nenni. C’était Marine Le Pen en personne qui lui apparût, et qui lui intima l’ordre de bouter le socialiste hors les murs de notre mère Patrie. Sainte Nadine tomba à genoux, et telle Saint-Antoine tenté par tous les démons de l’enfer, pensa en elle-même que c’est ce que Nicolas Sarkozy, qui revenait lui aussi du désert, aurait voulu.

Séchant les larmes de joie qui dévalaient son groin, excusez-moi je m’emporte, son frais minois, elle revêtit sa plus belle armure et s’en alla trouver le père Elkabbach pour répandre la bonne parole. « En vérité je vous le dis, chers concitoyens, je suis des vôtres. Sans équivoque et sans états d’âme, je partage les opinions et les valeurs du Front National, et je trouve Jean-François Copé un peu mou du genou. Comme vous, je trouve que les immigrés n’ont de cesse de hâbler le teint d’albâtre qui fait la fierté de notre Nation, comme vous je pense que les étrangers tous plus ou moins barbares n’ont pas l’élévation d’esprit endogéniquement française pour participer à la vie civique de notre pays, comme vous je crois, je sais, je sens en mon for intérieur que l’assisté serait plus à sa place sur un trottoir ou sous un pont à quémander sa pitance et à nourrir des inquiétudes pour ses enfants tuberculeux, et comme vous je pense que le travail est l’unique ressort de notre liberté ». Le père Elkabbach, heureux comme le pape toulois Léon IX se signa trois fois, se tartina du Nutella sur une hostie, et réprima une furtive érection en pensant à Georges Marchais.

Mais sainte Nadine n’en avait pas fini. Ivre de foi vengeresse et d’amour de la France millénaire, elle se lança dans une diatribe sans équivoque contre ceux qui l’accuseraient d’une orthodoxie par trop extrémiste. « Dieu nous regarde, mes bien chers frères, mes bien chères soeurs. Et pourrait-il me blâmer de prôner la vraie foi quand les socialistes vendent le peu d’âme qu’il leur reste aux écologistes qui ne pensent qu’à fumer du chichon, qu’à bafouer le travailleur et l’empêcher de s’adonner à son violon d’Ingres sur sa chaîne de production ou à son bureau, ou à éteindre le feu divin des centrales nucléaires pour vivre comme des hommes des cavernes? La France et la cinquième circonscription de Meurthe et Moselle sont -elles tombées si bas pour que l’on accepte, le coeur dardé de mille flèches venimeuses, de vivre comme des bêtes au milieu des zoulous et des baba-cools? En vérité je vous le dis, c’est Morano et Rosso-Debord, ou Sodome et Gomorrhe ».

Extatique, le père Elkabbach gisait sur le sol, animé de convulsions comme un sorcier vaudou, et ahannait à grand-peine des « ni-ni », psalmodiant à l’envi l’évangile copéiste, ni FN ni PS, mais surtout ni PS. Et le peuple UMP, infatué de sa virginale pasteure, (quoique le mot soit épicène du grec épikoïnos qui signifie « possédé en commun », c’est dire si le terme est approprié), de se ranger derrière son héroïne et de flanquer une fois de plus une honte internationale à la pauvre Lorraine qui a déjà tant souffert.

Quant à moi, en vérité je vous le dis, j’aimerais bien exhumer l’abbé Cauchon pour la peine.

 

 

 

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