Les crapules écrivent l’Histoire.

« À quoi ça sert de faire l’Histoire si ce sont des imbéciles qui l’écrivent ? » (Les Guignols de l’info)

Le pont Chaban-Delmas.
Le pont Chaban-Delmas.

Devezh mat, Metz, mont a ra ? Et bien, et bien, qu’est-ce que je lis dans le dernier Siné mensuel paru cette semaine ? On vient d’inaugurer un pont Chaban-Delmas à Bordeaux ! Apparemment, maintenant qu’on a débaptisé toutes les rues qui portaient le nom de Pétain (je m’étonne qu’il y en ait seulement eu, d’ailleurs !), l’ordre bourgeois veille à utiliser des référence un peu moins dures à porter…

Mais, me direz-vous la bouche en cœur, c’est tout à fait légitime, Jacques Chaban-Delmas fut le maire indéboulonnable de Bordeaux pendant des années et, surtout, un acteur incontournable de la résistance à l’occupant nazi ! Oui, et tout ça est à son honneur. Sauf que… Sauf que Chaban-Delmas a donné un mauvais exemple aux générations politiques qui lui ont succédé : en effet, il fut le premier homme politique à ne rien payer au fisc pendant trois ans grâce à des ruses de contournement ! L’affaire avait scandale quand le Canard enchaîné l’avait révélée en 1972, mais que voulez-vous, c’est déjà loin, tout ça… Conclusion : Cahuzac a tort de s’inquiéter, il peut compter sur ses complicités bien placées et sur le manque criant de mémoire des Français, sa mémoire ne sera pas entachée par ses magouilles, il finira ses jours sous les ors et les honneurs de la République et aura une rue à son nom, comme Chaban. Selon que vous serez puissant ou misérable, les jugements de cour vous feront blanc ou noir, même après votre mort.

Cela n’était que le préambule à ce que je vais démontrer à l’aide de quelques exemples…

On a appelé « trente glorieuses » cette époque où on a sacrifié notre écosystème sur l’autel de la surproduction industrielle, où le gaullisme triomphant faisait de la liberté d’expression un vœu pieux et où la France a mené sa sale guerre coloniale en Algérie.

On a baptisé « héros de Verdun » un horrible vieillard qui a envoyé la jeunesse à l’abattoir des tranchées et a livré, vingt ans plus tard, le pays pieds et poings liés à Hitler, appliquant voire outrepassant les ordres du dictateur.

On a nommé « grande guerre » cette ignoble boucherie où deux pays ont sacrifié leur jeunesse sur l’autel des intérêts industriels camouflés sous le masque du patriotisme, provoquant dix millions de morts et autant d’individus qui ne naîtront jamais.

On a parlé de « victoire » pour désigner l’issue de cette boucherie, comme s’il pouvait y avoir victoire quand dix millions d’innocents ont été sacrifiés, d’autant qu’il ne s’agissait que de l’épuisement des forces des deux parties, les chefs ne voulant pas se battre entre eux ; on a des pauvres pour régler nos problèmes à notre place, ne nous en privons pas, mon cher !

On désigne sous l’appellation « belle époque » cette période où hommes, femmes et enfants suaient sang et eau à la mine ou à l’usine pour un salaire de misère, parfois au sacrifice de leur vie, pendant qu’une poignée de privilégiés s’engraissaient sur leur dos.

On appelle pudiquement « second empire » le règne absolu d’un usurpateur tirant de sa filiation avec un criminel de guerre corse un semblant de légitimité à étouffer la République dans le sang et à proscrire le plus grand poète français.

On dénomme chastement « colonisation » l’invasion par l’Europe de territoires entiers, crime aggravé du pillage de leurs ressources naturelles, de la réduction à l’état d’esclave de leurs populations et de la négation de leurs cultures.

On persiste à nommer « l’empereur » voire « l’aigle » ce tyran cruel, arriviste, mégalomane et sans scrupules, ce criminel de guerre d’origine corse qui a pris le pouvoir par la force avant de partir à la conquête de l’Europe.

On parle de « découverte du nouveau monde » pour faire comme si les peuples que l’Europe a rencontrés à ce moment-là n’avaient jamais existées auparavant et ainsi éviter d’assumer le génocide dont nous les avons rendues victimes.

On accepte sans broncher le terme de reconquista (reconquête) pour désigner l’invasion de l’Espagne maure par les catholiques, comme s’il était légitime de mettre à bas une civilisation florissant vieille de sept siècles et pratiquant la tolérance religieuse pour la remplacer par le jésuitisme sclérosé.

Conclusion : L’Histoire est toujours écrite par les vainqueurs, et le vainqueur, dans le cas présent, est un mâle blanc hétérosexuel, adulte catholique et de droite. J’ai parfois honte de répondre aux quatre premiers termes de cette appellation… Kenavo, les aminches !

One thought on “Les crapules écrivent l’Histoire.

  1. Merci, Benoît, pour cette liste d’appellations qui font l’ironie de notre Histoire (en prétentieuses majuscules!). L’acier bien trempé est toujours bien venu!
    Super article
    Fátima

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *