Galerie de portraits (4) : Frigide Barjot.

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Devezh mat, Metz, mont a ra ? À première vue, il peut sembler incongru de consacrer un portrait à cette triste sœur (féminin de « triste sire », j’ai inventé moi-même) qui, maintenant que la loi qu’elle combattait avec une âpreté déplacée est adoptée, va retomber dans l’oubli dont elle n’aurait jamais dû sortir. Mais, quand on y réfléchit bien, à seconde vue, il s’avère qu’il est bel et bien incongru de lui consacrer un portrait.

Pourtant, quand j’avais appris pour la première fois l’existence de Vigine Tellenne (née Merle), rien ne semblait la prédisposer à une telle surexposition médiatique : je ne sais plus en quelle année c’était (et j’ai la flemme d’aller chercher), toujours est-il qu’elle venait tout juste de faire son apparition dans l’équipe de « On a tout essayé », l’émission quotidienne de Laurent Ruquier, remplaçant Maureen Dor qui était retenue par un tournage. Disons-le tout net, le tout jeune téléspectateur que j’étais n’a pas eu le sentiment de gagner au change : je trouvais Maureen Dor mignonne, pétillante, pleine de bon sens… En comparaison, Frigide Barjot me semblait insipide : ni belle ni moche, ni intelligente ni sotte, ni drôle ni triste ; rien ne la prédisposait à tourner mal, mais rien ne la prédisposait non plus à faire des étincelles. En un mot, elle était médiocre : au sein d’une équipe, elle pouvait apporter sa touche, mais elle-même présentait peu d’intérêt pour elle seule. On ne pouvait lui imaginer aucune gloire à venir, ni en bien ni en mal.

C’est seulement ensuite que j’ai su qu’avec son mari Basile de Koch (de son vrai nom Bruno Tellenne) mais aussi avec le frère de ce dernier, Karl Zéro (de son vrai nom Marc Tellenne), elle avait formé le fameux groupe d’intervention Jalons, réputé pour sa revue et ses parodies mais aussi pour ses « happenings » loufoques comme la fameuse manifestation contre l’hiver rigoureux de 1983, menée aux cris de « Verglas assassin, Mitterrand complice ! » La découverte des blagues de ce groupe n’a pas modifié outre mesure l’opinion que j’avais de Frigide Barjot : les gens de Jalons n’étaient pour moi, à mes yeux, que des joyeux farceurs qui ne prenaient rien au sérieux, pas même leurs propres opinions politiques – les savoir ouvertement de droite au point de conseiller Charles Pasqua ne m’a pas mis mal à l’aise, bien au contraire : sans être un modèle de tolérance, je ne suis pas borné, et savoir l’humour plus fort que tous les clivages ne pouvait que me réjouir. Là encore, l’individualité de Frigide Barjot n’avait pratiquement aucun intérêt au-delà de son apport à certains groupes d’humoristes : pour moi, elle faisait partie du paysage, je ne lui vouais ni haine ni adoration, je pense que nous sommes des tas à avoir été dans ce cas.

Et puis un jour, la contestation contre le mariage pour tous a commencé à faire parler d’elle : il fallait s’attendre à cette contestation, les socialistes espagnols avaient rencontré le même obstacle (ça ne les a pas empêchés, soit dit en passant, de faire passer la loi, que la droite n’a pas remise en cause par la suite) ; ce à quoi je m’attendais moins, c’était le nom d’une de leurs têtes de gondoles. Bon, Christine Boutin, rien d’étonnant… Mais Frigide Barjot ? Ben qu’est-ce qu’elle fout là, elle ? Ah bon, elle était catholique pratiquante et même intégriste ? Ah bon, ça la dérange à ce point que deux personnes du même sexe se marient et élèvent des enfants alors que c’est déjà le cas depuis des années en Hollande ? Malgré le peu d’intérêt que je lui portais, j’étais presque déçu ! Je l’avais toujours connue brune, j’étais surpris de la voir blonde, mais ce n’est pas tant physiquement qu’elle était le plus méconnaissable. Jusqu’alors, je la voyais comme un éternel second couteau plutôt sympathique, certainement pas comme ce qu’elle se révélait être désormais, c’est-à-dire une « fascionaria » (pour reprendre le néologisme bienvenu de notre ami Jonathan Hoesch) laissant passer les pires dérapages homophobes au sein de son mouvement et menaçant ouvertement les élus du peuple ! Je croyais avoir tout vu jusqu’à présent, avec Dieudonné, en matière d’humoriste qui tourne mal, mais là, c’était le bouquet ! Mais quelle mouche l’avait donc piquée ?

J’ai su par la suite, grâce à la fameuse lettre ouverte que lui a écrite son beau-frère Karl Zéro, qu’elle avait vu la lumière le jour de l’élection de Benoît XVI… Franchement, ça ne s’invente pas ! Autant je pouvais comprendre (à la rigueur) que l’élection de Jean-Paul II, ce pape jeune, séduisant et  beau parleur, ait pu faire chavirer le cœur de quelques chrétiens, mais tonnerre de Zeus, qu’est-ce qu’elle a pu trouver à Benoît XVI, qui était déjà très vieux le jour de son élection et, qui plus est, doté d’un physique plus que quelconque et d’un sens de la communication pour le moins restreint ? Non, je ne peux pas croire qu’un aussi mince motif ait pu avoir d’aussi lourdes conséquences sur un psychisme humain normal : encore fallait-il que ledit psychisme soit déjà rongé de l’intérieur par un mal, et dans le cas de Frigide Barjot, ce mal a un nom : la mégalomanie. Son rôle d’éternel second couteau ne lui convenait pas, elle se voyait en haut de l’affiche et ne voulait pas se contenter de jouer les faire-valoir de Laurent Ruquier (ça se comprend un peu) ou de partager la vedette avec son mari (c’est beau, un couple uni….) Seulement voilà : elle n’avait pas assez de talent pour ça, alors l’exposition médiatique qu’elle ne pouvait pas réussir à avoir grâce à un talent qu’elle n’avait pas, elle allait l’obtenir par la force. Elle allait crier plus fort que tous les autres opposants au mariage pour tous et s’autoproclamer chef de ce mouvement d’homophobes qui n’osent même pas dire leur nom : elle aurait pu n’être qu’une manifestante parmi les autres, elle est devenue le symbole vivant de ce mouvement qu’elle a elle-même contribué à décrédibiliser par ses propos outranciers.

Je vous le dis comme je le pense : elle me fait peur. La connerie est redoutable, ne serait-ce que parce qu’elle croit avoir toujours raison. Je sais que Frigide Barjot ne s’arrêtera pas en si mauvais chemin, elle a annoncé que son mouvement se présentera aux municipales ; si elle-même est un néant politique, elle est entourée de gens qui peuvent la conseiller. C’est pourquoi j’ai peur qu’elle réussisse à récupérer la colère qui monte contre le gouvernement. Le mécontentement actuel est légitime, les socialistes ne tenant pas leurs promesses. Ce juste courroux n’a rien à avoir avec la haine des homos dont madame Tellenne est la porte-parole. Seulement voilà, pour quelques citoyens éclairés qui feront la part des choses, combien de bidochons à la pensée confuse toujours prêts à tomber dans l’escarcelle du premier braillard venu ? Hitler lui aussi était un artiste raté et il devait sa réussite politique au fait d’avoir rassemblé sous sa houlette un maximum de mécontents qui étaient loin d’être tous d’affreux racistes…

Conclusion : en définitive, il n’était pas si incongru de faire le portrait de cette peu amène personne, ne serait-ce que pour adresser un avertissement aux créateurs de tout poil : ne vous fixez JAMAIS comme objectif d’acquérir une gloire au-dessus de vos moyens ! Vous éviterez ainsi beaucoup d’ennuis à vos concitoyens… Kenavo, les aminches !

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