Dans la presse déchaînée n°14

« N’écoutez pas les vieux ! » (Siné)« Les jeunes font l’amour, les vieux font des gestes obscènes. » (Slogan de mai 68)

Ouest FranceOuest France du 14/11/2013 Devezh mat, Metz, mont a ra ? Ce matin, le quotidien du grand Ouest a consacré une partie non négligeable de sa page 5 à une étude de l’Insee révélant ce que le journal appelle « la préoccupante situation sociale des jeunes »… Pour ma part, je n’avais pas besoin qu’une étude faite par des gens intelligents et compétents me disent que les jeunes vont mal en France, je le constate au quotidien, mais je me disais « ah, les médias se décident enfin à parler des problèmes des jeunes » alors j’ai jeté un œil…

Déjà, d’entrée de jeu, Philippe Lemoine, qui a signé l’article, nous balance des mots destinés à faire taire toute contradiction : selon lui l’étude est une « bible », une « masse » ! Donc, fermez vos boîtes à camembert les cons qui n’y connaissez rien, c’est un bidule foutrement sérieux pondu par des gens super-diplômés qui savent mieux que vous comment vous allez et de toute façon, si moi, le journaliste, je ne m’étais pas cassé le cul à lire ces 280 pages (je précise que ce chiffre ne m’impressionne pas du tout) pour vous en donner la teneur générale, vous n’auriez rien pu comprendre, ce que je vais vous dire est donc indiscutable. D’accord, Philippe, pas de problème ! Dites-nous tout, on ne remettra en cause aucun fait, puisque c’est une vérité intangible !

Pour commencer, donc, les jeunes seraient nombreux à décrocher de l’enseignement… Là, je ne suis pas étonné ! On n’arrête pas de leur rabâcher qu’ils n’auront pas d’avenir, qu’ils vivront moins bien que leurs parents, qu’ils n’auront que le pôle emploi pour tout horizon, qu’ils se feront bouffer par les Chinois… Bref, grosso modo, on leur martèle qu’ils n’auront aucune maîtrise sur leur avenir et que celui-ci sera voué à la misère et à la médiocrité : comment voulez-vous qu’ils soient motivés à faire des études dans ces conditions ? Il me semble que c’est un facteur explicatif bien plus déterminant que les « moments difficiles » évoqués tels que « divorce, problème de santé, événements familiaux graves »…

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Viennent ensuite les « comportements à risque » : on nous dit que « un jeune sur deux a été ivre au moins une fois dans l’année ». Et alors ? C’est de leur âge de faire des bêtises ! Ça ne veut pas dire qu’ils sont alcooliques ! Si on soutenait les bistrots au lieu de les laisser crever et de marteler une propagande hygiéniste aussi utopiste qu’inefficace (le peuple sobre, ça n’a JAMAIS existé !), peut-être que les jeunes iraient boire dans un cadre contrôlable au lieu d’aller se saouler la gueule à l’arrière de la bagnole du petit copain ! Ils sont de plus en plus nombreux à fumer et à être en surpoids ? Bande de rigolos, pourquoi se soucieraient-ils de la santé puisque vous leur dites sans arrêt qu’ils n’ont pas d’avenir ? 40 % des filles ont eu recours à la pilule du lendemain, ce qui indique que leur partenaire n’a pas utilisé de capote ? Étant donné qu’on vend à un euro un bout de latex qui ne coûte même pas vingt centimes, c’est un peu normal ! 8 % des 15-19 ans ont eu une grossesse non désirée ? Évidemment, c’est navrant, mais ce n’est quand même pas énorme : on pourrait aussi voir le verre à moitié plein et dire que 92 % n’ont pas connu cette tuile, mais si vous préférez le pessimisme, c’est votre droit ! De toute façon, le risque zéro n’existe pas et si on informait mieux les jeunes sur la sexualité, l’avortement, la contraception et tout le tralala, ce chiffre serait encore plus bas ! 3000 jeunes sont décédés en 2010 ? C’est triste, et après ? Les jeunes qui clamsent, c’est triste, mais ça arrive, on n’y peut rien, on ne pourra jamais éradiquer ça totalement ! 33% d’entre eux sont morts dans un accident de circulation ? Oui, mais vous ne dites pas combien d’entre eux étaient en tort : qu’est-ce qui nous dit que la majorité d’entre eux n’ont pas été écrasés par un chauffard alors qu’ils traversaient la rue ? Qu’ils conduisaient à une vitesse normale mais se sont faits rentrer dedans ? Qu’ils étaient dans la voiture de papa qui picolait un peu trop ? 17 % des jeunes décédés sont morts suicidés ? Cf. supra.

Sur 500 000 personnes qui ont fait l’objet d’une condamnation en 2004, 54% avaient moins de trente ans ? À partir d’un certain âge, on n’a plus tout à fait l’énergie pour braver la loi, donc, à moins de persister à croire au fantasme d’un pays débarrassé de toute délinquance (utopie, je vous dis !), ce pourcentage me semble assez raisonnable… Pas de quoi hurler au péril jeune ! Une large proportion récidive, essentiellement les voleurs ? Oui, mais on ne nous dit pourquoi ils volent ! C’est peut-être parce qu’ils sont désargentés et que les prix sont trop élevés ! Quand un jeune sans le sou vole pour se nourrir, je n’appelle pas ça un crime ! On aurait pu parler  du chômage des jeunes avant d’évoquer ça, mais pesez-vous, il n’en est questions qu’à la toute fin de l’article, dans cinq malheureuses lignes !

Conclusion : C’est très probablement involontaire, mais la façon dont Philippe Lemoine commente l’étude de l’Insee pourrait laisser entendre que les jeunes seraient majoritairement des fainéants irresponsables doublés d’une graine de délinquants ; il a eu raison d’intituler son papier « la préoccupante situation sociale des jeunes » car le problème est d’abord social plutôt que générationnel. Les jeunes ont de bonnes raisons pour désespérer de la société, mais la société n’a aucune raison pour désespérer des jeunes ! Vous voulez une preuve de ce que j’avance ? Ce soir, en sortant de la fac, j’ai vu une vieille dame mal en point s’écrouler en pleine rue : quatre ou cinq personnes ont aussitôt accouru à son secours, toutes de jeunes filles qui m’avaient tout l’air d’être des lycéennes ou de jeunes étudiantes… Kenavo, les aminches !

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