Parlons BD

La dédicace que m'a faite Philippe Foerster.
La dédicace que m’a faite Philippe Foerster.

Le samedi 14 juin, à la librairie Dialogues à Brest, quelques prestigieux auteurs de BD étaient venus dédicacer ; on put remarquer, entre autres, la présence du dessinateur belge Philippe Foerster, bien connu des plus anciens lecteurs de Fluide Glacial pour ses histoires mélangeant humour noir et fantastique ; ce que l’on sait moins, c’est qu’entre 1987 et 1991, cet excellent créateur a également mis son graphisme expressionniste et son imagination débordante au service des éditions Dupuis avec une excellente série intitulée Starbuck ; peu de bédéphiles s’en souviennent, un de ceux qui attendaient, comme moi, de se faire dédicacer un album de Foerster, a même été bien étonné quand je le lui ai appris.

Le capitaine Jonas Starbuck est un vieux marin en retraite plutôt brutal et assez mal embouché mais droit, loyal et courageux ; la particularité de la série dont il est le héros est qu’elle commence là où, normalement, s’arrêtent les aventures de tout marin, c’est-à-dire au moment où il a posé son sac et a investi dans un petit commerce qui lui permet d’assurer paisiblement ses vieux jours. Seulement voilà, le commerce en question est une auberge, c’est-à-dire l’endroit le plus propice qui soit pour toutes les rencontres diverses et variées, même (et surtout) les plus étranges et les plus porteuses d’aventures extravagantes. De toute façon, Starbuck est loin d’être bon à la casse et d’avoir tourné le dos à la mer : son bateau est à portée de main, prêt à appareiller quand le besoin s’en fait sentir, et il a même réussi à faire de son handicap un atout puisque sa jambe de bois est en réalité…un canon ! Mais la personnalité du capitaine est un détail dans cette série foisonnante où l’imagination fertile de Foerster fait surgir sur le papier de fantastiques récits d’aventures qui n’ont rien à envier aux œuvres de plus grands feuilletonistes (j’espère que l’auteur ne rougit pas s’il lit ça).

La série n’a connu que trois albums : l’auteur avait signé pour cinq volumes mais il a eu la malchance, comme il me l’a lui-même expliqué, d’être au mauvais endroit au mauvais moment, c’est-à-dire de se retrouver chez Dupuis alors que l’éditeur traversait une mauvaise passe : les patrons de cette vénérable maison avaient eu la mauvaise idée d’investir d’importantes sommes pour racheter les droits permettant d’adapter… Sulitzer en BD. Le bide fut à l’image de celui de Paul-Loup à l’époque : monumental. Contraint de faire des économies, Dupuis dut sacrifier certains ses collaborateurs qui ne remportaient qu’un succès commercial mitigé, dont Foerster. Comme quoi, les galères des dessinateurs, ça ne date pas précisément d’hier…

Un autre grand dessinateur qui a visité Brest dernièrement : Cabu, ici photographié en compagnie de votre serviteur.
Un autre grand dessinateur qui a visité Brest dernièrement : Cabu, ici photographié en compagnie de votre serviteur.

En voilà deux qui n’auront jamais de bonnes critiques dans Télérama : la critique éclairée les boude, il n’ont marqué aucun tournant majeur dans l’histoire de l’art, ils n’ont aucun message important à délivrer. Astérix, c’est important, Blake et Mortimer ont leur légende, Titeuf, ça cartonne à qui mieux mieux, et on en oublie presque l’œuvre déjà pléthorique de ces deux grands gosses belges, ces deux vieux gamins sans malice, sans violence, sans méchanceté. Et pourtant, n’ont-ils pas bercé notre enfance avec leurs facéties, ne continuent-ils pas à ravir petits et grands avec leurs gags dignes de l’âge d’or du cartoon hollywoodien ? Turk et De Groot, car c’est bien eux, en sont déjà à leur 45e album de Léonard et si l’on voulait absolument leur attribuer un message, ce serait le même qu’à leurs débuts : rien ne justifie le sérieux, pas même les grandes inventions qui prétendent faire avancer l’humanité. Génie de l’insomnie, comme tout album de Léonard, est un véritable bain de jouvence, qui nous fait renouer avec la fraîcheur du rire enfantin dépourvu d’arrière-pensée. Merci, Turk et De Groot, d’être restés de grands enfants et de continuer à nous inviter à jouer avec vous dans votre cour de récréation !

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