A bas les dames patronnesses !

« Pour faire une bonne dame patronnesse, il faut être bonne, mais sans faiblesse : ainsi, j’ai dû rayer de ma liste une pauvresse qui fréquentait un socialiste. Et un point à l’envers, et un point à l’endroit, un point pour saint Joseph, un point pour saint Thomas. » (Jacques Brel)

« Ben Blequin, qu’est-ce que tu viens nous causer des dames patronnesses ? T’as trop écouté Jacques Brel, ou quoi ? Y a belle lurette que ça n’existe plus ! » Détrompe-toi, ami pauvre, démuni, handicapé, diminué ! Les dames patronnesses sévissent toujours, même si elles ne disent pas leur nom ! Ainsi, quel que soit la région de France où vous habitez, vous avez pu voir refleurir dernièrement les boîtes de « l’opération Pièces jaunes » si chère à l’ex-première dame patronnesse de France, madame Bernadette Chirac, née Chodron de Courcel, qui doit avoir beaucoup de temps libre maintenant que son ex-coureur de mari n’est plus qu’une loque humaine ; pour ma part, j’ai pu voir dans la presse locale bretonne que l’on honorait une autre dame patronnesse, moins notoire mais guère plus honnête ou sympathique et qui m’a mis hors de moi il y a un an (je vous passe les détails) en me menaçant de représailles judiciaires si je n’obéissais pas à son ordre de foutre deux jours de boulot bénévole à la poubelle…

Mais me diras-tu, ami pauvre, démuni, handicapé, diminué, à quoi les reconnaître ? C’est simple : ce sont parfois des retraitées, presque toujours des épouses oisives d’hommes riches qui, pour tromper leur ennui et se donner l’illusion d’être utiles à la société, prennent des responsabilités dans des associations de bienfaisance : ça leur fait passer le temps et ça leur permet de payer moins d’impôts, c’est tout ; elles feraient du macramé ou de la poterie à la place que ça ne changerait pas grand’ chose pour elles ! Pour elles, ami pauvre, démuni, handicapé, diminué, tu ne vaux guère mieux que leur caniche nain qui, lui, a toutefois la supériorité à leurs yeux de ne pas faire de difficultés quand on lui demande de faire le beau pour un su-sucre ! Si tu en croises une, ami pauvre, démuni, handicapé, diminué, fuis-la comme la peste : n’écoute pas ses paroles enjôleuses, refuse la charité qu’elle te propose, tu peux être sûr qu’au moindre écart de conduite (consommation, même modérée, d’alcool, écoute de chanteurs contestataires, athéisme revendiqué, lecture de Charlie Hebdo, fréquentation d’un gauchiste, etc.) elle te laissera tomber voire te livrera à la police.

Ami pauvre, démuni, handicapé, diminué, envoie paître les dames patronnesses contemporaines et fais tien ce discours que le génial Reiser a placé dans la bouche d’un homme en fauteuil roulant (On vit une époque formidable, p.35) : « On ne veut pas de la charité ! Elle a le cul sale, malgré les apparences ! On n veut pas d’aumône ! On veut travailler ! Je ne veux pas faire de paniers ! J’en ai marre des métiers débiles ! Je veux faire un vrai métier : charcutier, avocat, fonctionnaire, manoeuvre, dentiste, cuisinier… Et qu’on me laisse l’exercer librement ! Descendez dans la rue, révoltez-vous, cassez les vitrine à coups de béquille ! Et obligez les patrons et les administrations à embaucher un minimum d’handicapés physiques ! » Je ne voudrais prendre comme exemple que ma modeste personne qui, bien que diagnostiquée autiste Asperger, ai appris à lire tour seul, obtenu mon bac à 17 ans, publié mon premier livre à 26 ans, décroché mon doctorat à 27 ans : il n’y a pas la moitié des neurotypiques qui y arrivent ! Entre la dame patronnesse qui voudrait m’aider et moi, la personne la plus handicapée n’est pas celle qu’on croit !

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