Le journal du professeur Blequin (166)

Vendredi 4 janvier

13h : Fidèle abonné, je feuillette le dernier Fluide Glacial en jetant d’abord un coup d’œil à l’ours du magazine pour voir qui succède à Yan Lindingre au poste de rédacteur en chef ; je découvre alors un nom qui n’est pas du tout inconnu des fidèles du journal : Jean-Christophe Delpierre… Et oui, le rédac’chef du Fluide des années 90 retrouve son fauteuil dix-huit ans après l’avoir quitté ! Son premier geste aurait été de convoquer Igwal, Mœrell, Lelong, Coyote et Gotlib : il faudra lui expliquer deux-trois trucs…

Samedi 5 janvier

13h : Les « gilets jaunes » ont annoncé l’acte VII (ou VIII, je ne sais plus) de leur mobilisation… Ils ne savent pas qu’une bonne pièce de théâtre ne compte que trois ou cinq actes ? Au-delà de ça, l’auteur se fait siffler ! Oui, je sais, je pourrais être plus compatissant envers ces pauvres gens qui expriment leur souffrance et gnagnagni et gnagnagna, mais rien à faire : les « dérapages » racistes et les dénonciations d’immigrés, je ne peux pas les digérer ! Quand ils seront devenus miliciens et viendront me chercher pour m’envoyer à Drancy, je devrais toujours me montrer compatissant envers eux, peut-être ?

Dimanche 6 janvier

19h : Encore une journée passée dans mon cocon créatif à dessiner sans relâche. La perspective de devoir en ressortir bientôt me fait comprendre ce que doit ressentir le nouveau-né quand on le force à sortir du placenta…

Lundi 7 janvier

10h30 : Aïe, aïe, aïe, voilà une date qui éveille de bien durs souvenirs… Et pourtant, je dois vous l’avouer : je suis presque nostalgique de cette époque. Pas des attentats en eux-même, non, j’aurais mille fois préféré que ce drame n’ait jamais lieu, mais plutôt de ce qui est venu après : je veux parler de ce formidable élan de solidarité, quand nous étions des millions à nous rassembler pour exprimer notre attachement viscéral aux libertés d’expression, de culte, de dérision, de conscience… Ce jour-là, pour la première (et la dernière) fois dans ma vie, je me suis senti appartenir à un peuple, à un pays : au-delà de toutes les divergences qui font qu’une société est plurielle, il y a en France un « quelque chose » qui assure, contre vents et marées, le ciment de ladite société et, quand ce « quelque chose » est menacé, les gens savent se mobiliser pour le défendre. Le reste est finalement anecdotique : le jour où il y aura autant de « gilets jaunes » dans les rues qu’il y a eu de gens pour défendre ces valeurs fondamentales, je consentirai à admettre que ce mouvement est légitimé à représenter le peuple. En attendant, je suis toujours Charlie et je ne serai jamais Beauf’ à Cabu !

Mardi 8 janvier

11h30 : En feuilletant la presse, j’apprends que la tête de liste RN aux élections européennes est natif de…Drancy ! Avouez que ça ne s’invente pas !

13h30 : Une amie m’apprend qu’un collègue dessinateur porte plainte suite à des menaces de mort qu’il a reçues suite à la publication d’un dessin où il se « payait » un leader des gilets jaunes…  Je n’ose même pas faire de commentaires.

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