Astérix : Le secret de la potion magique

Depuis la sortie du dessin animé Astérix le Gaulois en 1967, nombreux auront été les réalisateurs à avoir adapté au cinéma, avec plus ou moins de bonheur, en version « live » ou animée, les aventures du petit héros créé par Goscinny et Uderzo en 1959. Au sein de cette liste, Alain Chabat reste à ce jour la référence incontournable, mais Alexandre Astier bénéficie d’un double avantage : non content d’être le premier à avoir fait entrer Astérix dans l’animation 3D, il est aussi le seul à partager avec le tandem mythique Goscinny-Uderzo le privilège d’avoir consacré deux films successifs au petit Gaulois dont un avec un scénario totalement original.

Ce privilège parait légitime tant Le secret de la potion magique témoigne qu’Astier a su s’approprier l’univers astérixien sans le dénaturer ; l’intrigue repose en effet sur une situation inédite et pourtant tout à fait cohérente au sein du monde d’Astérix : à la suite d’une mauvaise chute lors de la traditionnelle cueillette du gui, Panoramix décide de chercher un jeune druide auquel transmettre la formule de la potion magique. Ainsi, Astier met le doigt sur une faille : le secret de la potion magique, dont dépend la survie du village des irréductibles face à l’envahisseur romain, est entre les mains d’un homme qui, par définition, n’est pas éternel. L’accident, en effet, rappelle brutalement au druide qu’il n’est qu’un homme et qu’il doit tenir compte de sa propre finitude s’il veut que le village lui survive.

Ce ressort dramatique, qui constitue la colonne vertébrale du film, est symptomatique d’un thème omniprésent dans l’œuvre d’Astier en général et dans Le secret de la potion magique en particulier : l’angoisse de ne pas (ou plus) être à la hauteur de la tâche qui nous incombe. Les grands humoristes sont souvent de grands angoissés… Souvenez-vous de Kaamelott où Arthur finit par s’interroger sur sa capacité à exercer les fonctions de roi de Bretagne et va jusqu’à remettre Excalibur dans le rocher : l’attitude de Panoramix n’est pas très éloignée…

Cette angoisse nous concerne tous un jour ou l’autre ; le film oppose deux façons d’y faire face : d’une part, on peut feindre de l’ignorer et prétendre ne pas douter de ses capacités ; on s’expose alors à se couvrir de ridicule, tel Assurancetourix qui remplace le chef du village pendant son absence, ou à commettre des actes dangereux, tel le « mauvais » druide Sulfurix qui est persuadé d’être meilleur druide que Panoramix et pactise avec les Romains pour triompher. D’autre part, on peut assumer cette angoisse et décider, sinon de passer la main, du moins d’assurer l’avenir en se choisissant un successeur ; c’est ce que fait Panoramix mais aussi, sous une forme plus « dure » Astérix lui-même : excédé par ce qu’il considère comme un caprice de la part de son druide, il finit par abandonner sur un coup de tête sa fonction de premier guerrier du village pour la confier à… Agecanonix ! Une décision irréfléchie qu’il regrettera bien vite : Obélix, pour une fois mieux inspiré que son ami, ne manque d’ailleurs pas de le lui signaler.

Pour résumer, il est légitime de douter de soi, l’angoisse que ce doute génère est inévitable, mais cette angoisse doit servir de base à une réflexion constructive et non à des actes irréparables : tel est sans doute l’essentiel à retenir du « message » exprimé par le prisme de l’ironie grinçante dans cette comédie animée très réussie.

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