Le journal du professeur Blequin (27)

Edmond et Jean Rostand vus par votre serviteur.

Mardi 19 novembre

10h30 : Après un lundi de repos rendu indispensable par un week-end éprouvant, je repasse à l’action. Pour commencer, je rends une visite de courtoisie à Geneviève Gautier, la nonagénaire dont je m’improvise l’agent littéraire depuis déjà deux ans : elle me reparle de son grand-père qui a connu Edmond Rostand et m’apprend que ce glorieux aïeul avait vainement essayé de convaincre Rostand de réduire son Chantecler à une pièce en un acte ! Rostand ne l’a pas écouté et sa pièce, clairement démesurée, n’a pas eu le succès escompté… A quoi ça tient, tout de même !

11h15 : Je reprends le bus et je m’aperçois qu’une fenêtre est ouverte : comme il fait déjà froid, je la ferme, ce qui me vaut une engueulade en règle de la jeune personne assise derrière moi dont je n’identifie pas le sexe, qui me reproche de fermer sans rien lui demander la fenêtre qu’elle avait ouverte et qui me soutient mordicus, en me tutoyant (ce dont j’ai horreur), qu’il ne fait pas froid ! Elle devrait se faire embaucher comme ministre de l’information en Corée du Nord… Lâchement, je m’éloigne et vais m’asseoir ailleurs, près de gens qui ne manifestent pas la même intolérance à la chaleur : mais comme la seule place disponible est dans le sens contraire à la marche, je peux voir un individu assis à côté du (ou de la ?) chaleurophobe et qui me fait visiblement des reproches : ayant des boules Quiès, comme j’en ai l’habitude dans les transports en commun, je n’entends rien et je me dis que ça vaut mieux…

11h30 : Etant sorti avant tout pour prendre des photos, je me poste devant l’édifice que je souhaitais photographier… Et je m’aperçois que je n’avais que des piles usagées à mettre dans mon appareil ! Ne voulant pas changer de programme pour autant, je me dépêche d’aller acheter de nouvelles piles dans le premier bureau de tabac que je trouve, et c’est le coup de fusil : cinq euros dix pour quatre piles d’1,5 v ! Il y a de l’abus quand même… « Hé, Machin, ça ne t’arriverait pas si tu prenais tes photos sur un smartphone, comme tout le monde ! » Mais je te m’emmerde, moi…

14h : Après un repas sur le pouce, je descends au square Mathon pour prendre une dernière photo ; j’avoue que j’hésite à m’attarder dans ce coin, pourtant fort joli, depuis qu’un type m’y a interpellé en me demandant si je cherchais quelque chose, mais là, je n’ai pas le choix. Et justement, ça ne manque pas : je ne sais pas si c’est le même zigoto, mais il me pose la même question, toujours en me tutoyant, ce dont je ne m’accommode décidément pas. Je passe mon chemin sans rien lui dire. J’essaie de prendre mes photos, mais la lumière est mauvaise : tant pis, je fais avec. Quand je sors de square, deux types sur un banc me font un signe bizarre, comme s’ils étaient en train de fumer une cigarette invisible : à tous les coups, ils voulaient me « taxer une clope » mais comme je suis non-fumeur et, de surcroît, imperméable aux tentatives de communication non-verbale, je passe encore une fois mon chemin sans piper mot. Je ne suis pas du genre à vivre dans le passé, mais j’avoue que ça me rend nostalgique de l’époque où les bancs publics étaient fréquentés par des amoureux qui se bécotaient…

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