Contretemps

Ô belle marquise, vos beaux yeux me font mourir d’amour…

Oh non, ça ne va pas du tout, le « ô » au début, ça fait vieillot, il ne faut pas en abuser non plus. Et puis « mourir d’amour », avec tous ces « m », ça rend le vers mou et lourd. Non, on va tenter autre chose…

Ma rose, ma tendre, ma chérie…

Non mais ça ne va pas, qu’est-ce qui me prend ? Comparer la femme à une rose, ça a été fait tellement de fois que ça n’est même plus flatteur ! Non, ‘faut que je trouve une autre amorce, plus douce, que je ne lui balance pas les compliments à la gueule. Je vais commencer par lui dire à quel point elle a changé à ma vie…

J’étais infirme, hier, de ne pas te connaître…

Oh, mais non ! Pas de calembour à la sauce Almanach Vermot, elle va m’appeler « Laurent Ruquier » ! ‘Faut que je sois plus humble, que je lui dise que sans elle, je ne serais rien ! Voyons voir…

Je traînais ma pauvre carcasse / Entre les dockers et les radasses…

Oh non, c’est vraiment trop sordide…

TULULULULUT !

Rôôôh, fichu téléphone… Allô ? Quoi, comment ça, quand est-ce que je me décide à commencer ce poème d’amour ? Ben ça ne se fait pas comme ça tout seul en claquant des doigts, figurez-vous ! Laissez-moi le temps de trouver un début : de toute façon, il reste deux heures avant la publication, non ? Quoi ? Comment ça, je suis déjà publié ? Comment ça, les gens sont déjà en train de me lire ? Non mais c’est quoi cette organisation à la noix ? COUPEZ, COUPEZ ! 

Triste époque où même les poètes sont assujettis à des délais inhumains…

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