Le journal du professeur Blequin (43)

Mardi 14 janvier

9h30 : Il fait un temps à ne pas mettre un chien dehors mais j’affronte tout de même la pluie pour régler quelques affaires courantes en ville. J’apprendrai plus tard que le département était placé en vigilance orange et que la limitation de vitesse a été abaissée sur le point de l’Iroise… Bref, ce fut un coup de tabac assez sérieux et je rentre trempé jusqu’à l’os. Mais je ne suis même pas de mauvaise humeur : je me dis « chouette, je n’habite pas en Australie » ! Il parait que certains Australiens ont recueilli chez eux des animaux sauvages sinistrés : je ne leur en ferai pas le reproche, mais je me demande s’ils seront capables de faire preuve d’autant de solidarité envers les Aborigènes !

Mercredi 15 janvier

Michel-Edouard Leclerc vu par votre serviteur.

9h : Je feuillette le dernier Côté Brest qui propose cette semaine deux articles de mon cru ; n’étant pas narcissique au point de ne lire que mes propres textes dans cet hebdomadaire gratuit, j’y apprends que Chantal Goya viendra donner… Pardon, pouf pouf : elle viendra VENDRE son spectacle à Brest en novembre prochain. Il parait qu’elle fête ses 40 ans de scène : 40 ans seulement ? Curieux, ça m’avait paru une éternité ! Je ne dois pas être le seul : je me demande bien quels parents doivent être encore assez sadiques et irresponsables pour traîner leur progéniture regarder… Enfin, voir… Enfin, subir ses spectacles débilitants dont la niaiserie affligeante ne fait même plus rire les mites qui rongent ses costumes remisés au musée des arts derniers ! Page suivante, on change de niveau avec un article sur l’exposition de Wladimir Velickovic au Fonds Hélène et Edouard Leclerc (Landerneau) qui est défendue en ces termes par l’ineffable et inévitable Michel-Edouard : « Cette œuvre nous met face à nous-même et au plus laid de la condition humaine, mais c’est en montrant la violence que nous la poliçons. Ce sont ces figures qui nous empêchent de faire la guerre. » Quand c’est bien, il faut le dire : monsieur Leclerc a parfaitement résumé l’intérêt de diffuser des œuvres violentes qui, loin d’inciter le public à commettre des actes répréhensibles comme le pensent béatement les bien-pensants, lui offrent justement le défoulement nécessaire pour le libérer de la tentation de se laisser aller à la violence. Comme quoi le quotient intellectuel de Michel-Edouard Leclerc dépasse largement le chiffre de la température anale quand il ne cherche pas pas à faire passer pour le summum de la liberté l’achat d’un médicament au prix d’un mouchoir usagé. J’aurais donc pu dire « Bravo Michel-Edouard », s’il n’avait pas eu la mauvaise idée de poursuivre son propos en ces termes : « Et il faut se rappeler que nos églises sont pleines de cette iconographie de la violence. Or nous y emmenons nos enfants. » Comment ça, « nous » ? Parle pour toi, Michou ! Si j’avais des enfants, je ferais mon possible pour les tenir à l’écart de ces lieux de perdition ! J’aimerais encore mieux les emmener voir les peintures de Velickovic : les images pieuses, pas plus que les toiles de cet artiste serbe, n’incitent pas à la violence, c’est vrai, mais elles incitent à la bigoterie, ce n’est donc pas mieux !

Bernadette Malgorn vue par votre serviteur.

11h15 : J’ai passé la journée d’hier à préparer une nouvelle communication sur Albert Camus ; comme ça, au moins, j’étais à l’abri des intempéries. Aujourd’hui, la tempête s’est calmée, ce qui m’a permis d’aller rendre visite dans de bonnes conditions à un vieil ami qui a accepté de me prêter son projecteur en vue d’une conférence que je donne ce soir. En sortant, qui est-ce que je croise ? Bernadette Malgorn et une de ses sbires qui font du porte-à-porte ! Je passe mon chemin en prétextant que je suis pressé, mais j’ai quand même le temps d’aviser la cafetière de la compagne de Bernie-la-matraque : je ne suis pas surpris de constater qu’elle arbore une coiffure et un maquillage qui puent la grande bourgeoisie à trente kilomètres à la ronde ! Elle s’est échappée de Versailles, ou quoi ? Oui, je sais, je ne devrais pas juger les gens sur la mine : il n’empêche qu’à l’appui de mon soupçon, je viens quand même de surprendre notre ancienne préfète en flagrant délit de propagande dans un quartier résidentiel où il doit y avoir autant de jeunes et de voyous (les deux termes n’étant synonymes que dans la cervelle de madame Malgorn) qu’en Terre-Adélie. Pas mal, pour une candidate qui n’a que le mot « sécurité » à la bouche : courageuse mais pas téméraire, elle ne s’aventure pas dans les quartiers où il y a vraiment de la délinquance et préfère aller faire peur à des petits vieux qui ne sortent jamais le soir et voient jamais un jeune ! Rien d’étonnant à ça : la peur de l’inconnu a toujours été l’allié objectif de toutes les droites dures ! Pourquoi croyez-vous que l’extrême-droite cartonne dans des bleds de campagne où on ne voit jamais un immigré ? La peur de l’autre, on ne le dira jamais assez, c’est d’abord l’ignorance de l’autre.

18h15 : Je viens de finir ma causerie sur René Goscinny et mai 68 devant un parterre d’anciens de mon quartier : j’étais venu parler du scénariste du génie auquel nous devons Astérix, Iznogoud, le Petit Nicolas et tant d’autres merveilles, mais le public, dont la moyenne d’âge est assez élevée, est surtout sensible à l’évocation de mai 68. Le dialogue s’engage au sein de l’assistance qui s’échange ses souvenirs de cette époque : fort heureusement, j’ai suffisamment étudié la période pour ne pas être démuni et ne pas me faire oublier… N’empêche, je me demande ce que ça donnerait sur un public plus jeune ? Est-ce qu’ils manifesteraient davantage d’intérêt pour la BD que pour l’histoire politique ? Pas forcément : la révolte, ça interpelle aussi les jeunes d’aujourd’hui…

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