Le journal du professeur Blequin (115) Ambiance de merde

Samedi 18 juillet

14h30 : Finalement, je suis sorti pour aller prendre un bain de mer. Je devrais éviter d’y aller le week-end, histoire d’éviter la foule haineuse (un pléonasme, excusez-moi), mais aujourd’hui, l’appel du soleil est plus fort que ma misanthropie chronique, et puis j’ai vraiment besoin de me changer les idées (dans la mesure du possible, bien sûr). Bien entendu, les bourricots de chez Bibus s’obstinent à ne mettre que des bus simples sur la seule ligne qui dessert la plage, de sorte que j’ai derrière moi un môme qui croit malin de donner des coups de pied dans le fauteuil dans lequel je suis assis… Bon, prenons les choses dans l’ordre : premièrement, compte tenu des distances à respecter, personne ne devrait être assis derrière moi, et ce n’est pas parce que les enfants sont peu contagieux qu’il faut faire fi des consignes ; deuxièmement, je suis en deuil, ce qui entame sérieusement ma patience déjà amoindrie par le port du masque qui me met inéluctablement de mauvaise humeur ; et troisièmement, de toute façon, si j’avais eu la même attitude que ce gosse à son âge, ma mère m’aurait probablement enguirlandé – à cette époque, on pouvait encore être sévère en public avec un enfant sans être soupçonné d’être un bourreau. Bref, comme la bonne femme qui accompagne ce morveux ne fait rien, je sors de mes gonds et me retourne pour crier mon agacement : bien entendu, c’est moi, pour finir, qui me fait enguirlander par la mémère qui s’empresse de consoler le cher petit que j’ai sûrement traumatisé pour la vie… A la descente du bus, je tombe sur le grand frère du gamin qui, me tutoyant d’emblée, menace de me casser la figure si je criais à nouveau sur son petit frelot : voilà qui confirme mes soupçons concernant la méthode d’éducation qui doit être pratiquée dans cette famille… Ce n’est pas mon défunt oncle qui aurait tout passé à ses enfants, et ceux-ci ne sont pas devenus névrosés pour autant ! J’arrête là avant de chialer à nouveau…

20h : Retour au bercail après deux heures de nage suivie d’une pause en terrasse pour consommer une pinte de Guinness et une petite planche de tapas. En route, j’ai pu voir que la presse locale évoquait l’accélération de l’épidémie en Bretagne : comme je dois rejoindre mes parents en Sarthe dans dix jours et que je n’ai même plus le courage de m’informer par moi-même, j’ai demandé à mes chers géniteurs de me prévenir au cas où il se passerait quelque chose qui compromettrait mon beau programme… J’espère que je m’inquiète pour rien, ce qui ne serait pas la première fois. J’ai aussi remarqué que sur les panneaux qui leur sont destinés, les affiches électorales n’en finissent pas de se décomposer ; en temps normal, passée la mi-juillet, elles sont déjà relayées depuis longtemps par les pubs pour les festivals et autres festivités de plein air, mais cette année, elles sont à peine recouvertes par les affiches des syndicats… Je n’ai aucune raison d’avoir peur du virus : je n’ai pas besoin de lui pour que l’ambiance me rende malade…

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