Le piège moral des lois bioéthiques

Mardi prochain les députés voteront les textes concernant les lois de bioéthique. Sujet sensible, il s ’agit de prendre position non plus sur l ’organisation de la vie en société mais sur sa régulation. La juxtaposition paradoxale des termes lois et bioéthique amène un certain nombre de questions qui font l ’objet de cette réflexion.

Il y a toujours quelque chose de gênant lorsque l’on parle des lois de bioéthique. Le droit par essence s’applique selon la volonté du plus grand nombre à chacun en particulier dès lors qu’il est reconnu comme appartenant au système qu’il régule. C’est le contrat social de rousseau, en échange d’une partie de notre liberté l’Etat nous assure une protection. Aussi contestable dans le fond comme dans la forme que soit cette affirmation elle n’en est pas moins toujours d’actualité et d’aucun de s’en accommoder tant bien que mal au quotidien. Mais avec les lois de Bioéthique nous touchons un domaine particulièrement sensible qui n’est plus simplement l’organisation de la vie mais sa régulation. D’où un certain gène.

Au droit précède nécessairement l’idée de droit, en ce que l’homme matérialise au sein d’un système un ensemble de normes qu’il aura jugé bon. Lorsque l’idée de droit ne s’applique qu’à celui qui en est l’auteur on parle de morale ou plutôt de droit moral. Si elle fait l’objet d’une étude dans le cadre d’un système représentatif (c’est-à-dire ou le peuple à délégué sont pouvoir de représentation à une instance chargé de légiférer à sa place), dans lequel l’idée de droit d’une personne parvient à devenir applicable à l’ensemble de la communauté on parle de droit positif. Il n’en reste pas moins que le droit positif provient également d’une idée de droit. Le droit positif est donc un droit moral individuel qui s’est transformé en morale collective.

La définition de l’éthique varie selon les auteurs. Pour certains elle est synonymes de la morale, pour d’autres elle est une réflexion sur ce qui deviendra. La morale serait l’étant, l’éthique le devenir. Quelles positions à adopter quant aux découverte permise par les avancés scientifique ? La morale (collective) n’intervient qu’une fois la prise de position intervenue. L’éthique s’inscrit au contraire comme un critique liminaire tendant à façonner une pensée sur des données nouvelles. De là naitra une multitude de morale individuelle dont certaine deviendront une morale collective : le droit positif, qui s’appliquera à l’ensemble de la société.

Qu’il me soit permis ici de souligner le paradoxe , à mon sens de l’appellation « loi de bioéthique ».Il conviendrait il me semble, du moins cela traduirait-il plus volontiers la réalité de parler de loi sur la vie. (Et non pas de loi biomorale bien que cela soit tentant car il s’agirait d’une tautologie ). Appeler bioéthique une loi alors que l’éthique même en est absente dés lors que par le processus législatif elle acquiert un statut morale, et même bien avant si l’on considère que dès lors que née une idée de droit que l’on s’impose à soit même l’éthique cède la place à la morale, cela constitue un contresens flagrant : une idée de droit sur quelques chose qui n’en est pas encore une ! Dire d’une loi qu’elle est éthique revient à dire que la morale est éthique hors nous pensons qu’il ne peut en être ainsi. Cela étant dit cette réflexion peut être étendue à tout type de loi mais encore une fois je me répète il s’agit ici d’une régulation de la vie et non plus de son organisation d’où son importance. Une loi bioéthique est en réalité une morale de la vie (bio du grecque bios signifie vie) et « ce qu’il y a d’embêtant dans la morale c’est que c’est toujours celle des autres ».

Une loi est donc toujours la réalisation matérielle d’une morale individuelle, si nous consentons de fait à vivre dans une société organisée par ses principes il devient très difficile de l’accepter quant à sa régulation. Prenons deux exemple au hasard : le refus des députés d’autoriser la recherche sur les embryons ou à l’inverse l’autorisation sous conditions du transfert d’embryons post mortem. Une réflexion éthique suppose de s’interroger sur le devenir de telles questions mais dés lors qu’il y a prise de position cela devient de la morale individuelle : j’ai tel point de vue sur la question. Lors des débats au sein des différents comités d’éthique c’est la morale individuelle la plus forte, celle qui remportera l’adhésion du plus grand nombre qui aura le plus de chance de se transformer en morale collective, en loi votée par chacun des députés en fonction de leurs affinités vis-à-vis de leur propre morale individuelle. Dès lors ce dessine l’idée effrayante que la régulation de la vie au sein de notre société n’est dû qu’à un seul homme qui aura su imposer sa morale individuelle comme la panacée à la régulation de la vie. On est loin de la volonté générale du peuple. Les lois votées mardi seront tout sauf éthiques.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *