« Blanche Neige ou la chute du mur de Berlin » : compte-rendu

Les contes qui ont bercé notre enfance n’ont pas fini d’inspirer les artistes d’aujourd’hui : déjà en novembre, lors du festival du film court, les Brestois avaient pu (re)voir une version décalée, due à un couple de cinéastes belges, du « Petit chaperon rouge ». Hier au Quartz a eu lieu une représentation du spectacle « Blanche Neige ou la chute du mur de Berlin », monté par la compagnie lyonnaise de « ciné spectacle » La Cordonnerie. Le « ciné spectacle » consiste en un film projeté sur un écran dont la bande son, dialogues inclus, est assurée en temps réel par une troupe de comédiens, bruiteurs et musiciens. L’effet est saisissant, on en oublie parfois que les sons sont produits sur la scène.

Concernant l’histoire elle-même, elle est transposée en 1989, à l’époque où les Berlinois abattent le mur qui coupe leur ville en deux ; cependant, aucun des éléments du conte traditionnel ne manque, même s’ils ont tous un peu changé. La terrible marâtre, d’abord, n’est plus vraiment terrible : c’est elle qui nous livre sa version des faits et elle nous apprend qu’elle s’appelle Elisabeth, qu’elle a quarante-deux ans, qu’elle est hôtesse de l’air et qu’elle élève seule sa belle-fille dans une tour à appartements appelé pompeusement « le royaume » ; elle est sévère mais pas injuste et encore moins méchante, tout au plus peut-on lui reprocher d’être un peu coquette et de trop parler à son miroir qui n’est pas de bon conseil. Blanche, superbe brune aux yeux verts, est une ado gothique de quinze ans qui, comme beaucoup d’autres, convoite son indépendance, en veut à son père de l’avoir littéralement abandonnée au profit de sa vie de saltimbanque et ne supporte plus l’autorité de cette femme qui n’est même pas sa mère : elle fugue de sa propre initiative et campe dans les bois, volant sept nains de jardins pour se donner un semblant de compagnie. Voilà pour les nains ; le chasseur est un brigadier de police pas très malin et, de surcroît, incapable de parler à une jeune fille sans l’effrayer ; la pomme empoisonnée est un colis rempli de pommes d’amour que le père envoie à Blanche pour se donner bonne conscience et dont l’adolescente se gave à tomber malade ; quand au prince charmant, c’est un petit beur charmant mais un peu à côté de la plaque qui repartira seul chez lui après avoir retrouvé la belle au fond des bois…

Tous ces personnages ont leur travers, mais aucun d’eux n’est foncièrement méchant : ils peuvent être insolents (Blanche), sévères (Elisabeth) voire complètement stupides (les hommes en général) mais aucun d’eux n’est « mauvais » : la seule vraie source du mal est finalement le miroir qui dresse la jeune fille et la belle-mère l’une contre l’autre et qui s’avère être un mur à abattre similaire à celui que les Berlinois veulent faire tomber. Beaucoup de conflits qui éclatent entre des êtres qui pourraient s’aimer s’expliquent par des malentendus, des faux problèmes voire des mirages : pour les Berlinois, ce fut le mirage des idéologies, pour Elisabeth et Blanche, ce fut celui du vieillissement ; l’hôtesse de l’air qui souhaite rester la plus belle est en crise de la quarantaine tout comme la jeune fille est en crise de l’adolescence, mais de telles crises ne sont que de mauvais moments à passer qui ne justifient en rien une rancœur définitive…

Bref, un spectacle à voir quand il passera dans votre ville. Plus de renseignements ici.

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