Je suis la Minikeum génération

Période de Noël oblige, difficile de ne pas se laisser envahir par les souvenirs d’enfance voire par la nostalgie ; c’est ainsi qu’après la série animée Iznogoud, je redécouvre, grâce à des archives partagées sur Internet, les Minikeums qui ont bercé mon enfance dans les années 1990. En revoyant les sketches des petits frères des Guignols de l’info (ils avaient les mêmes géniteurs, à savoir Arnold Boiseau pour le concept et Alain Duverne pour la fabrication des marionnettes), je réalise à quel point ce programme était (et reste) audacieux et novateur pour une émission destinée aux gosses, et ce, à bien des égards.

A droite : la terrible Natacha Divanovna (Diva) dans « L’espion qui cherchait l’amour ».

Premièrement, il n’était jamais mièvre : si les « méchants » joués par l’inénarrable Coco sont plus ridicules que redoutables, les « méchantes » jouées par la charismatique Diva sont, en revanche vraiment inquiétantes, rappelant les meilleures « vilaines » de chez Disney comme la fée Maléfique ou Cruella ; dans une parodie de James Bond, elle joue une ex-espionne russe aussi séductrice que diabolique, à rendre jalouses Famke Janssen, Sophie Marceau et Grace Jones réunies… Même la douce et gentille Zaza, qui parait avoir tout d’une guimauve, n’est pas la godiche naïve qu’on pourrait croire : elle a plus d’une fois l’occasion de montrer qu’elle est une petit maline doublée d’une fille courageuse qui a les pieds sur terre et sait remettre à leur place ceux qui pètent plus haut que leur cul ; une séquence emblématique à cet égard est celle où elle invente une manière infaillible de gagner à la barbichette contre un collègue masculin – « le premier de nous deux qui sera un garçon aura une tapette » !

Gudrun-la-cruelle (Diva) dévoile ses appas à Knut-le-preux (Jojo) dans un sauna…. Chaud !

Deuxièmement, les Minikeums n’étaient pas pudibonds : dans une parodie des Vikings, on peut voir Diva (de dos, oui, mais quand même) se dénuder sous une tente (à ne pas écrire avec A) devant un Jojo visiblement gêné et sous le regard émoustillé de Coco (qui joue un moine, soit dit en passant) profitant d’un trou dans la toile pour se rincer l’œil… Et ce n’est que la partie émergée des allusions sexuelles que peut détecter un oeil exercé : dans une séquence, Zaza demande « où on était avant qu’on soit né » à Coco qui, lui, essaiera dans un sketch de rendre jaloux ce grand dadais de Jojo en lui affirmant que « sa » Vaness’ s’enferme avec M’Sé pour écouter de la musique, ajoutant perfidement « on entend de la musique, mais va savoir ce qu’ils font » : de quoi donner un infarctus à Jean-François Copé !

Cocal le VRP de l’espace (Coco) présente au capitaine Bleurk (Jojo) un jeu d’avenir : les Glops.

Troisièmement, le ton était étonnamment caustique pour une émission pour jeunes : quand on écoute attentivement les paroles de Mélissa, la chanson des Bogoss Five, on se rend mieux compte de la critique du show-business, qui va bien au-delà de la seule parodie du phénomène Boys Band, alors à son apogée. Les chanteurs « engagés » de la « nouvelle scène française » en prennent également pour leur grade quand cette mégère de Josy interprète la chanson des « concernés » où le « cri » que revendiquent tous ces Ferré de pacotille se résume à une demande de papier toilette ! Que Bernard explique que le mot « candidat » vient du latin candidus (blanc), en référence au fait que les prétendants aux élections à Rome étaient vêtus de blanc, et Nag se permet une pique sur les politiciens d’aujourd’hui : « C’est bizarre, maintenant, ils ont tous des costumes sombres ! Avec des chemises blanches, remarque ! » Même le marketing et la société de consommation sont gentiment égratignés : que la Cosmomobilokeum (dans Star Keum, parodie évidente de Star Trek) s’arrête sur une planète inconnue et l’équipage y fait la connaissance d’un camelot extraterrestre qui lui vend comme le « secret de la sérénité suprême » un jeu appelé à faire fureur sur terre : les pogs…

Coco s’inquiète en voyant le peu de courrier qui lui est destiné : mais si, Coco, on t’aime !

Quatrièmement, enfin, les personnages avaient tous leurs défauts qui ne les empêchaient pas d’être attachants : Jojo est susceptible et benêt, Diva est autoritaire et pète-sec, Josy est colérique et braillarde, Nag est un pro de la blague lourdingue… Mais ils n’en sont pas moins tous sympathiques pour autant : même Coco, qui a pourtant tous les défauts de la terre (lâche, râleur, prétentieux, maladroit) n’en jouit pas moins d’une popularité phénoménale, tant son humour débridé et son énergie débordante nous font (presque) tout lui pardonner. Là est d’ailleurs peut-être la clé du succès des Minikeums : ils apprenaient aux enfants à s’assumer tels qu’ils étaient, leur montrant par l’exemple qu’avoir des défauts, même gros, n’empêche pas d’avoir du succès et d’être populaire. Et dire qu’il y avait des cons qui préféraient Dorothée…

Source : Chaîne YouTube Minikeums-TV

2 comments on “Je suis la Minikeum génération

  1. Très bel article ! A l’époque ( ça y est je parle comme un vieux ) il y avait un vrais directeur artistique qui aimait son travail, qui emportait son équipe avec lui.
    Ça deviens rare et les budgets sont divisés par 2…

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