L’évangile selon le professeur Blequin

Le huitième jour, après avoir goûté un repos bien mérité la veille, Dieu, frais et dispos, décida de parachever sa création en façonnant une version améliorée de l’homme, histoire que tous les hommes ne ressemblent pas à ce lourdaud d’Adam qui ne pensait qu’à manger des pommes.

Alors Dieu dit : « Il aura la même apparence que n’importe quel autre homme. A ceci près que, durant son enfance, il sera un écolier brillant. Il ne cherchera pas à causer des soucis à ses aînés et surtout pas à ses parents. Il ne jouera pas à tout bout de champ au petit macho rouleur de mécaniques. Jeune homme, il prendra ses études au sérieux au lieu de passer ses soirées à faire la fête jusqu’à pas d’heure. Il aura une vision originale mais claire du monde et de la société. Il aura souvent des idées brillantes et novatrices. Il sera un employé fiable et efficace qui ne perdra pas de temps à écouter les ragots autour de la machine à café. Il saura se passionner pour un domaine précis au point de devenir un véritable spécialiste passionnant à écouter. Il n’aura pas de préjugés et sera respectueux des femmes, des étrangers et des homosexuels. »

Et ainsi fut-il. Et Dieu vit que cela était bon. Un peu trop bon, même. Dans son infinie sagesse auto-satisfaite, Dieu dit : « ‘Faudrait tout de même pas qu’il soit aussi parfait que Moi, ‘faut pas déconner, non plus. »

Alors Dieu, ne pouvant renier sa propre création, dit : « En contrepartie de tous ses talents, il sera considéré comme un handicapé par les troupeaux de veaux dont il sera entouré. Il sera qualifié d’anormal sous prétexte qu’il aimera mieux lire que jouer au foot. Ses parents s’inquièteront pour lui alors même qu’il rapportera de bonnes notes. Les politiciens démagos le stigmatiseront et parleront de lui comme d’un débile mental. Sous prétexte qu’il aura besoin de s’isoler régulièrement, on le traitera d’égoïste incapable de vivre avec les autres. On le caricaturera en geek asocial, boutonneux et fort en maths. On lui posera des questions indiscrètes comme s’il était une bête curieuse de foire. Les labos pharmaceutiques voudront le gaver de médocs pour le rendre « normal » et les charlatans qualifieront sa différence de pathologie due à une trop grande exposition aux écrans. Dans certains pays, il sera même enfermé à l’asile comme s’il était un fou dangereux. Et s’il proteste, on lui rétorquera, au mieux, qu’il prend tout au premier degré ou, au pire, que quand on est handicapé, on ferme sa gueule. »

Et ainsi fut-il. Et Dieu vit que cela était bon. Un peu moins bon que tout à l’heure, d’accord, mais c’était justement pour ça que Dieu trouvait que c’était bon quand même, au moins, sa nouvelle créature n’était plus en mesure de rivaliser avec lui et puis, après tout, il était Dieu, alors c’était lui qui décidait si c’était bon ou pas, et si quelqu’un n’était pas content, c’était le même tarif, non mais sans blague.

Et c’est ainsi que Dieu créa les autistes Asperger.

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