Le journal du professeur Blequin (77)

Mardi 7 avril

11h30 : Avant de déjeuner, sortie éclair jusqu’au bureau de poste pour introduire dans la boîte prévue à cet effet les deux courriers que j’avais encore sur les bras et que j’ai donc pu affranchir grâce au service d’impression de timbres en ligne (soit dit en passant, je ne trouve pas ça beaucoup plus pratique que l’achat en bureau de poste, c’est même pénible de passer toutes ces fourches caudines virtuelles) : en glissant dans la fente la plus volumineuse des enveloppes, je peux sentir qu’elle se heurte aussitôt à un gros tas de papier  ; en clair, la boîte est déjà pleine, la levée ne doit donc plus avoir lieu très souvent… Heureusement que j’ai prévenu mes commanditaires qu’ils devraient patienter ! Mais je ne serai payé que quand ils auront reçu leur commande : ce point vous donne une idée de l’ampleur de la catastrophe financière que représente le confinement pour les travailleurs indépendants comme moi…

Mercredi 8 avril

11h : J’avais ouvert la fenêtre de mon bureau pour aérer. Je la referme dès que j’entends que le petit garçon du voisin est sorti au jardin. Et oui, la situation ne m’a pas rendu nostalgique des cris d’enfants et n’a pas arrangé mon hypersensibilité au bruit : je vous parie même que je serai presque nostalgique du confinement quand je devrai à nouveau me bourrer les oreilles de mousse dans les transports en commun ! Comment voulez-vous que je pense sincèrement que cette épreuve contribue à changer le monde, déjà qu’elle ne m’aura pas changé moi-même ?

Jeudi 9 avril

9h40 : C’est sûrement une lapalissade mais chacun vit le confinement comme il peut : ça varie inévitablement en fonction des responsabilités qui lui incombent en de telles circonstances et du rapport qu’il entretenait avec le monde extérieur. J’en ai eu la confirmation ce matin en recevant un message d’une amie m’expliquant, entre autres, que son petit garçon était triste que l’école soit fermée : je n’ai pas pu m’empêcher de penser qu’il avait de la chance que l’école ne soit pas pour lui un cauchemar quotidien ! En tout cas, pour ma part, si j’avais connu cette situation à l’époque où j’étais harcelé par mes « camarades », j’aurais probablement été soulagé de ne plus les voir pendant quelques semaines ! Quand le monde vous est hostile, vous ne regrettez pas de devoir rester chez vous…

Vendredi 10 avril

11h : Quand j’étais collégien, le printemps, dans mon coin du Finistère, c’était seulement une période où la température s’élevait de deux ou trois degrés : le ciel était toujours aussi gris, il faisait juste un peu moins froid. Mais ça, c’était avant : cette année, avant même qu’on soit le 21 mars, un anticyclone d’une entêtement comme on n’en voit qu’un par siècle a décidé de s’installer et l’ambiance est presque estivale ! Je vous parie que la pluie reviendra dès que le confinement sera levé… En attendant, pour ne plus avoir à subir l’intrusion du monde extérieur imposée par ce soleil têtu, je baisse le volet de mon bureau et je travaille dans la pénombre, à la lueur de ma lampe : comme ça, au moins, le confinement est absolu en ce qui me concerne !

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