Le journal du professeur Blequin (84)

Dimanche 26 avril

10h : J’avais demandé à ma mère de me rapporter mon intégrale de Mafalda : bien m’en a pris, je l’ai feuilletée avant de dormir et  j’ai rarement autant ri depuis le début du confinement ! Pourtant, je connais à peu près tous les gags de mémoire et Dieu sait s’ils parlent souvent de faits tragiques ! Rendez-vous compte : dans cette série, Quino traitait de l’actualité des années 60-70, qui plus est avec son point de vue d’Argentin, et pourtant, ses histoires font encore rire dans le monde entier cinquante ans après ! C’est une marque de génie ou je ne m’y connais pas ! Cela dit, en relisant ces gags, un détail me frappe : la représentation hyper-négative de la vieillesse. Mafalda et ses amis ont tous peur de vieillir et n’ont pas de grands-parents, excepté Miguelito dont le grand-père est un admirateur de… Mussolini ! D’ailleurs, quand cette pandilla de niños rencontre des vieillards, ceux-ci sont presque tous d’indécrottables passéistes rouspéteurs qui ne cessent de ressasser que tout était mieux avant, à tel point que Mafalda dit qu’ils « regardent le futur avec la nuque » ; les vieilles dames ne sont pas mieux loties avec leurs démonstrations outrancières d’affection qui les rendent insupportables ! Il y aurait tout une étude à faire sur cette représentation du troisième âge ; en attendant, il faut croire qu’ériger ces contre-modèles de personnes âgées a aidé Quino à garder en tête ce qu’il ne fallait pas faire pour vieillir trop vite : renseignements pris, le dessinateur vit toujours et il a 87 ans ! Heureusement que tous les génies de la BD d’humour ne meurent pas aussi jeunes que Reiser…

Lundi 27 avril

9h30 : Plus que quatorze (si j’ai bien compté) fois dormir et le cirque pourra reprendre ; si, d’ici là, notre à-peu-président n’a pas changé d’avis, bien sûr…  Je sens que je vais avoir un mal de chien à reprendre une vie « normale » : depuis quelques semaines, je ne faisais quasiment qu’écrire et dessiner, je menais enfin la vie dont j’avais toujours rêvée, et il va falloir retrouver ces réunions ennuyeuses, ces mondanités inutiles et ces roitelets locaux bouffis d’orgueil ? Je pense que cette épreuve aura eu la vertu de m’apprendre à recentrer mes priorités et à dire plus facilement « non ». Est-ce que je suis le seul ?

16h : Je n’avais jamais pris la peine d’écouter une chronique de Tanguy Pastureau ; je ne suis pas près de recommencer ! Il avait décidé de revenir sur cet article publié sur le site de CNews annonçant que des scientifiques pensaient qu’on ne trouverait peut-être jamais de vaccin au Covid-19. Précisons tout de suite que ces chercheurs ne disent pas par là qu’on va tous mourir : ils veulent dire simplement qu’il leur parait plus probable de trouver un vaccin qui ne protège que de la forme la plus sévère, ce qui veut dire que, faute d’éliminer totalement la maladie, ils pourront limiter la mortalité. Ensuite, s’il faut vivre avec le Covid-19 sous une forme bénigne, précisions aussi qu’on vit déjà au quotidien avec bien d’autres maladies aussi graves, voire plus, et que ça ne signifie pas qu’on va vivre perpétuellement dans une logique d’épidémie. De toute façon, leur argument principal, c’est qu’on n’a jamais trouvé de vaccin à un coronavirus : ce n’est pas parce qu’on ne l’a jamais fait qu’on n’y arrivera jamais ; dix-huit mois avant le premier vol des frères Wright, certains croyaient dur comme fer qu’il était impossible de faire voler un plus lourd que l’air… Tout ça pour dire que rien ne justifiait que monsieur Pastureau fasse une chronique aussi sinistre ! Quand quelqu’un qui se dit humoriste ne m’arrache même pas un sourire, je ne m’attarde pas, à plus forte raison s’il a un timbre de voix désagréable qui suinte la suffisance et l’orgueil…

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